Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pesaient sur la nation. Leurs murmures contre la multiplication des offices de judicature n’étaient pas plus raisonnables. En vérité ils auraient bien dû indiquer un autre moyen de suffire aux énormes dépenses de la guerre. Auraient-ils mieux aimé qu’on augmentât les impôts? Mais ces impôts n’étaient déjà que trop lourds, et encore on était souvent forcé de les anticiper de la façon la plus fâcheuse. La création de nouveaux offices, presque toujours utile, ne portait préjudice qu’aux privilèges déjà bien grands de quelques familles qui auraient voulu former, non-seulement un corps inamovible, ce qui était juste et nécessaire, mais un corps héréditaire, clos et fermé, absolument indépendant, et que l’état ne pût pas même accroître, parce que cet accroissement du corps tout entier blessait l’amour-propre et l’intérêt des particuliers. Remarquez que ces créations d’office devaient être enregistrées dans les parlemens, qui demeuraient investis de leur droit de remontrances. Si on ne consentait pas à venir au secours de l’état par ces remèdes innocens, il n’y avait plus qu’à faire la paix, et c’était là en effet le mot d’ordre que les chefs des importans et des frondeurs répandaient habilement, bien sûrs de répondre ainsi au vœu naturel de pacifiques magistrats, et se donnant les airs de protecteurs du peuple : lâche habileté, trahison criminelle des intérêts les plus sacrés de la France! Quelle politique que celle qui aurait mis au néant l’entreprise d’Henri IV et de Richelieu, et n’aurait tenu aucun compte des sacrifices de trente années, de tant de sang versé sur tous les champs de bataille de l’Europe pour faire tête à la maison d’Autriche, relever un peu la France, et tâcher de lui acquérir au moins quelques-unes des frontières qui lui sont indispensables! Le parlement et l’aristocratie voulaient la paix, mais Mazarin la voulait aussi; seulement il la voulait solide, glorieuse, utile. Il fallait redoubler d’efforts pour frapper un grand coup, et remporter cette victoire de Lens qui décida le traité de Westphalie et nous donna notre frontière d’Allemagne. La politique, l’honneur, l’intérêt véritable interdisaient tout doute à cet égard; mais le parlement ne connaissait pas le moins du monde les affaires de l’Europe, et les grands seigneurs, travestis en tribuns du peuple, n’avaient pas dans le cœur la noble flamme du patriotisme. En même temps qu’ils invoquaient la paix à Paris, ils l’entravaient à Munster par toute sorte d’intrigues, et leur opprobre éternel sera d’avoir encouragé l’Es- pagne à ne pas faire la paix en l648, à ne pas signer le traité qui lui était offert, en la flattant de l’espoir que bientôt allaient éclater des troubles qui arracheraient l’épée de la France des mains de Condé et de Mazarin, et rendraient à l’Espagne sa vieille prépondérance du temps de la ligue. Ils savaient très bien aussi qu’ils