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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/279

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ne pouvaient affronter l’armée royale avec leurs seuls régimens et des bourgeois un moment séduits et égarés; ils savaient que pour l’emporter, pour se soutenir même, le secours de l’étranger leur était indispensable. Ils ne cessèrent de l’invoquer, de demander à l’Espagne de l’argent et des soldats, et les choses en vinrent à ce point qu’un jour sur les fleurs de lis étonnées le parlement de Paris reçut un envoyé de l’archiduc!

Quand on lit avec soin et qu’on examine à la lumière des événemens contemporains toutes les résolutions prises par le parlement pendant la fronde, on n’y trouve guère que des actes de parti et de continuelles usurpations tantôt sur l’autorité royale, tantôt sur les états-généraux. On a beaucoup vanté les délibérations de la chambre de Saint-Louis en juin et juillet 1648: elles ont pour objet avant tout le maintien et l’agrandissement des privilèges du parlement. Il y est déclaré que «L’établissement ancien des parlemens et des autres compagnies souveraines ne pourra être changé ni altéré, soit par augmentation d’offices et de chambres, ou par démembrement du ressort desdites compagnies pour en établir de nouvelles[1]. » Et en conséquence sont révoqués la cour des aides de Saintes et le parlement d’Aix. On a fait grand bruit de cet article que nul « ne pourra être détenu prisonnier passé vingt-quatre heures sans être interrogé et rendu à ses juges naturels, » comme si c’était là une conquête de la fronde, comme si cette excellente et libérale prescription n’était pas depuis longtemps dans toutes les ordonnances, et particulièrement dans la grande ordonnance de Blois! Ajoutez qu’en présence de cet article, protecteur de la sûreté individuelle, on arrêtait arbitrairement quiconque était suspect d’être mazarin, et un jour, comme nous l’avons vu, sur la place de l’Hôtel-de-Ville on avait massacré comme mazarins les magistrats les plus opposés à la cour. De nobles cœurs proposèrent une fois de convoquer les états-généraux, et Mazarin n’y répugnait point; ce fut le parlement qui s’y opposa pour retenir entre ses mains toute l’autorité législative ainsi que l’autorité judiciaire, se portant sans aucun titre, sans aucun mandat, comme le seul représentant et le seul interprète de la nation.

Disons-le donc : la plupart du temps dans la fronde, le parlement a fait paraître le vice secret de son institution. Par le mélange de la justice et de la politique, il est trop souvent sorti de ses grandes attributions judiciaires pour se jeter dans des intrigues politiques à la suite de grands seigneurs ambitieux et mécontens. Avouons-le

  1. Journal contenant tout ce qui s’est fait et passé en la cour du parlement de Paris, toutes les chambres assemblées, sur le sujet des affaires du temps présent, p, 19 et 20.