Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/506

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

princes. Il se rallie au sentiment des hommes d’état anglais, qui ne désespèrent pas de la paix, et dans l’hypothèse du succès de leurs efforts, il indique sur quels points devrait porter d’abord le travail pacifique de la diplomatie, C’est par les États-Romains qu’il faudrait commencer, et là l’élément de la réorganisation devrait être pris dans le rétablissement des institutions municipales, autrefois si vivaces en Italie. L’illustre Italien croit que la force qui serait nécessaire peut-être pendant les premiers temps pour contenir les élémens réactionnaires créés par les mauvais gouvernemens devrait être nationale, et empruntée aux armées de la Sardaigne et des Deux-Siciles. Dans cet ordre d’idées, le savant professeur voit « l’Italie, secondée par les grandes puissances, travailler elle-même, et surtout par l’usage de la liberté modérée de la presse, à sa réorganisation, et jeter les fondemens de l’agglomération politique nécessaire pour assurer son indépendance. » Quant à l’Autriche, rentrée dans les limites que lui assignent les traités généraux, elle devrait aviser aux moyens par lesquels, sans faire un sacrifice de dignité trop considérable, elle pourrait laisser la Lombardie et la Vénétie, qui pèsent d’un poids si lourd sur ses finances, et qui lui suscitent des embarras si graves, prendre enfin leur place naturelle au milieu des états libres et indépendans de l’Italie. Nous sommes heureux de pouvoir invoquer un témoignage aussi important en faveur des vœux et des espérances que nous a toujours inspirés la solution de la question italienne par la liberté et par la paix. Si la fatalité veut que ces espérances soient déjouées, que du moins l’Italie comme la France, par un nouvel effort de patience, laissent à l’Autriche la responsabilité terrible d’avoir seule rendu la guerre inévitable.

Devant la crise européenne que menace de provoquer la situation de l’Italie, les questions intérieures s’éclipsent au sein des états du continent. Il n’en est pas tout à fait ainsi en Angleterre. En même temps qu’il travaille par ses bons offices à prévenir une rupture entre la France et l’Autriche, le ministère anglais ne craint pas de jouer sa propre existence sur la réforme électorale. En présentant son bill de réforme, M. Disraeli a dit qu’une erreur dans la législation électorale, changeant d’une façon imprévue la base du gouvernement, pouvait entraîner des maux plus considérables et plus difficiles à réparer que les malheurs d’une guerre imprudemment entreprise et mal conduite. Cette observation toute britannique, car elle répond bien au sentiment de l’Angleterre, qui attache toujours plus d’importance à ses affaires intérieures qu’aux questions étrangères, n’en est pas inoins juste dans son application générale. Le bill de réforme du cabinet Derby ne fera du moins courir de danger qu’au ministère ou à la chambre des communes, soit que le ministère voie son projet rejeté par la majorité, soit qu’à la suite d’un échec prévu il dissolve la chambre. Il n’est pas probable qu’aucun bill de réforme soit voté cette année, et il est certain que l’opinion publique en Angleterre n’est point encore pénétrée de l’urgence d’un pareil remaniement du gouvernement parlementaire. A la seconde lecture du bill, qui doit avoir lieu le 21, lord John Russell proposera un amendement qui condamne les deux principes les plus attaqués du projet développé par M. Disraeli. Il est vrai que le gouvernement fait mine de vouloir déjouer la manœuvre de lord John Russell en amendant son bill sur les points les plus contestés ;