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par la publicité qu’elle a reçue, à l’Europe entière. Cependant, quoique cette parole enlève aux accumulations de troupes qui se font en Lombardie une partie de leur caractère comminatoire, l’attitude militaire de l’Autriche fournit un prétexte fâcheux aux agitations piémontaises. L’ouverture d’une négociation atténuerait du moins le motif des inquiétudes que le Piémont témoigne. Nous ne comprendrions pas, pour notre part, que le gouvernement sarde voulût mettre obstacle à l’ouverture de cette négociation, ou la traverser lorsqu’elle sera entamée. A ne considérer que les manifestations de la diplomatie sarde depuis trois ans, une pareille négociation n’est-elle pas un succès pour le Piémont ? M. de Cavour avait signalé deux anomalies dangereuses dans la question italienne : l’occupation des États-Romains et les traités de l’Autriche avec les duchés, et c’est ce dernier grief qu’il faisait valoir encore avec habileté, le mois passé, et dans sa note circulaire et dans son discours au sénat. L’occupation des États-Romains va cesser, sur la demande du gouvernement pontifical ; la question des duchés est à la veille d’être abordée par la diplomatie européenne. Diplomatiquement, le cabinet sarde remporte deux succès ; est-ce le moment pour lui de redoubler de mauvaise humeur et d’impatience ? Kous ne le pensons pas, et nous voulons mieux augurer de la perspicacité et du caractère de M. de Cavour. De bons conseils ont été donnés récemment au Piémont et à l’Italie par les amis les plus éprouvés que le libéralisme italien compte en Angleterre. On a averti les Italiens qu’ils poursuivaient une chimère, et qu’ils allaient peut-être au-devant de nouvelles infortunes en appelant des armées étrangères pour chasser l’étranger de la péninsule, et en voulant improviser par la guerre leur affranchissement ; on leur a montré dans la paix, dans la réforme de leurs mauvais gouvernemens, à laquelle l’Europe est résolue de travailler, et dans la pratique des libertés dont jouit le Piémont, une route lente sans doute, mais sûre, vers la délivrance à laquelle ils aspirent. Ce conseil, que leur propre histoire leur donne depuis des siècles, sera-t-il efficace ? Nous savons du moins qu’il a été entendu par quelques intelligences d’élite au sein de ce malheureux pays, et qu’il est conforme aux vœux d’Italiens distingués dont le patriotisme ne peut être mis en doute. Nous en avons sous les yeux une preuve intéressante. Un illustre professeur d’une université italienne, un savant dont le nom est européen, nous adresse des observations honnêtes et sensées sur les moyens qui devraient être employés, s’il en est temps encore, pour épargner à l’Italie la cruelle épreuve d’une guerre, et pour travailler à son émancipation progressive par la paix et par la liberté. « On commettrait une grande injustice, nous écrit-il, si l’on oubliait que la politique actuelle de la France en Italie n’est au fond que la continuation plus accélérée de la politique du gouvernement du roi Louis-Philippe, » et il rappelle à ce sujet, comme nous l’avons fait récemment nous-mêmes, la correspondance diplomatique de M. Rossi pendant son ambassade à Rome. Il rend hommage à l’énergie avec laquelle le Piémont a maintenu jusqu’à ce jour ses institutions, et il redoute que l’Autriche, avec ses traditions militaires et ses tendances opposées à la marche de la civilisation moderne, ne fasse point à temps les concessions et les transactions qui rendraient la tranquillité à l’Italie. La principale de ces transactions serait, suivant lui, l’abandon des traités particuliers arrachés par l’Autriche à la faiblesse des