ce qui, selon les Ioniens, laisse au gouvernement ionien le droit de nommer les fonctionnaires chargés de la police des ports, et de faire les règlemens de santé et de douane. L’Angleterre n’a pas cru devoir restreindre sa juridiction dans les ports à ces droits honorifiques et militaires ; elle y a exercé pleinement son autorité, et comme, encore un coup, elle n’est responsable qu’envers elle-même et envers sa conscience de l’exercice de son protectorat, quand elle se trompe, il n’y a pas de recours contre ses erreurs, sinon à elle-même.
Nous ne voulons pas commenter plus longuement le traité du 5 novembre 1815. Ce traité procède, comme on le voit, de deux principes différens et contraires, le principe de l’indépendance des Iles-Ioniennes et le principe du protectorat britannique. Comment concilier ces deux principes? Comment, par exemple, ont-ils vécu ensemble depuis 1814 ? Ils ont vécu assez mal, il faut le reconnaître.
Un des écrivains du Quarterly Review a publié en 1823 et en 1852, à trente ans de distance, deux articles sur les Iles-Ioniennes, qui en font l’histoire depuis 1814, et l’histoire racontée avec des sentimens tout anglais. C’est dans cette histoire tout anglaise que je cherche le tableau des Iles-Ioniennes sous le protectorat anglais.
Quand on lit cette histoire, il y a deux choses qu’il est impossible, je crois, de contester : la première, c’est que, sous le protectorat anglais, le bien-être des Iles-Ioniennes s’est singulièrement accru; la seconde, c’est que le protectorat anglais a été une véritable domination, tout à fait contraire à la lettre et à l’esprit du traité du 5 novembre 1815. Peut-être les deux choses tiennent-elles de près l’une à l’autre, peut-être ne fallait-il rien moins que l’autorité presque absolue que s’était attribuée le premier lord haut-commissaire, sir Thomas Maitland, pour donner aux Iles-Ioniennes, presque malgré elles, une prospérité et une sécurité inconnues ailleurs dans l’Europe orientale; mais, chose singulière, cette prospérité et cette sécurité ne semblent pas avoir beaucoup touché le cœur des Ioniens, et d’un autre côté ils ne semblent point non plus avoir attaché une grande importance aux infractions que le haut-commissaire faisait au traité du 5 novembre 1815. Ils s’en plaignent plutôt pour avoir une cause de griefs contre l’Angleterre que pour défendre leur liberté parlementaire. La question d’indépendance prime chez eux la question de liberté. Ils ne disent pas qu’on les gouverne, tandis qu’on devrait seulement les protéger; ils disent qu’ils ne doivent pas être gouvernés par un Anglais. Le roi Tom, c’est le nom qu’on