Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/539

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sait seulement aux maximes libérales de l’Angleterre. Nous trouvons en effet dans les papiers parlementaires, déposés en 1850 sur le bureau des deux chambres du parlement une dépêche de lord Seaton, du 21 février 1848, qui expose que les restrictions imposées à la presse ionienne sont odieuses, sans être utiles, et font détester l’administration qui les applique, sans la défendre, parce que la presse étant libre en Grèce et la circulation des journaux grecs dans les Iles-Ioniennes ne pouvant pas être empêchée, tout s’imprime pour l’attaque et tout est accueilli par l’opinion populaire, tandis que ce qui s’imprime pour la défense est discrédité d’avance comme n’étant pas l’expression d’une pensée libre. Mieux vaut donc avoir la liberté de la presse à la condition de s’en servir que d’avoir son silence à la condition de n’en pas profiter. Où le Quarterly Review trouve-t-il que ces idées soient empreintes de faiblesse et de timidité? Il est possible que lord Seaton ait un peu lâché la bride aux passions populaires : 1848 n’était pas le moment le mieux choisi pour serrer le frein. Quoi qu’il en soit, les concessions de lord Seaton, et c’est là le point capital, n’ont rien ôté à la souveraineté de l’Angleterre dans les Iles-Ioniennes; elles n’ont pas ramené cette souveraineté à n’être plus que le protectorat extérieur que voulait le traité du 5 novembre 1815. La presse a été plus libre, les élections municipales ont été plus indépendantes; mais l’état ionien n’a pas été plus indépendant qu’il l’était sous Thomas Maitland, il n’a pas eu plus d’autonomie.

Lord Seaton croyait évidemment qu’en donnant beaucoup à la liberté, il empêcherait la nationalité de prendre son essor. C’est là sans doute ce qui lui inspirait ses concessions. Il n’en a rien été. Le mouvement national a profité des ressources que lui donnait la liberté, et, se sentant plus libres, les Ioniens en ont profité pour demander à être plus Grecs. Le Quarterly Review cite à ce sujet des traits curieux et qu’il signale comme des résultats de la faiblesse de lord Seaton. Ainsi un officier municipal électif, mais fonctionnaire salarié du protectorat britannique, inspectant les écoles à Céphalonie et voulant vérifier si les élèves savaient écrire correctement, leur a dicté comme composition d’orthographe les phrases que voici : « Tous les maîtres étrangers doivent être expulsés promptement du sol de la Grèce ; les Turcs doivent être chassés des provinces grecques du continent, et les Anglais des Iles-Ioniennes par les efforts réunis de toute la race grecque. »

Ce mouvement national fut si vif, que lord Seaton, dans les derniers temps de son séjour à Corfou, crut ne pouvoir pas faire autrement que de s’y associer, et le Quarterly Review lui reproche encore amèrement d’avoir fait rédiger en grec moderne ses lettres d’invitation de bal ou de dîner. Ces politesses faites au parti hellé-