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ment anglais, et le régime des Iles-Ioniennes, il n’y a pas grande différence. Nous n’avons pas le droit en France d’être difficiles en fait de gouvernement libéral, et nous pourrions peut-être accepter très volontiers, sinon la constitution de sir Thomas Maitland, du moins les propositions de réforme qu’apportait M. Gladstone, deux chambres délibérant publiquement, un conseil de ministres responsables, le maintien de la liberté de la presse, etc.; mais nous devons faire remarquer que la question aux Iles-Ioniennes n’est pas du tout de savoir si la constitution sera plus ou moins libérale, quelque important que soit ce point, à notre sens. La question est toute différente sous deux rapports : 1° si nous considérons le sentiment national, 2° si nous considérons le traité du 5 novembre 1815.

Si nous considérons le sentiment national des Ioniens, ils ne s’inquiètent pas en ce moment s’ils seront plus ou moins libres, mais s’ils seront plus ou moins-Grecs. Tel est l’état des esprits. Nous ne voulons pas revenir sur ce point.

Si nous considérons le traité du 5 novembre 1815, nous devons reconnaître que le régime politique des Iles-Ioniennes, tel qu’il est établi, soit par la constitution de sir Thomas Maitland, soit par celle de lord Seaton en 1848, soit par les réformes bienveillantes et libérales proposées par M. Gladstone en 1859, s’éloigne beaucoup du gouvernement que le traité du 5 octobre 1815 semblait vouloir établir dans les Iles-Ioniennes. Ce traité en effet accordait aux Iles- Ioniennes les prérogatives d’un état libre et indépendant, et par conséquent l’autonomie. Or la constitution de sir Thomas Maitland consacre la souveraineté et non plus le protectorat de l’Angleterre, puisque aucun acte du sénat exécutif n’est valable qu’avec l’agrément du lord haut-commissaire, puisque aucune loi votée par l’as- semblée législative ne peut être exécutée qu’après l’approbation du gouvernement anglais. La constitution de lord Seaton en 1849 est plus libérale, et le Quarterly Review de 1852 l’attaque vivement. Il est d’autant plus sévère pour lord Seaton, que celui-ci était un tory, et qu’on devait attendre qu’il tiendrait tête aux factieux des Iles-Ioniennes. Brave sur les champs de bataille, lord Seaton n’a pas eu le courage civil, c’est-à-dire le courage qui sait, selon les momens, résister aux despotes comme aux factieux.

Nous ne voulons pas défendre lord Seaton contre le Quarterly Review, cependant nous avons bien de la peine à croire que ce soit seulement par faiblesse morale que lord Seaton ait fait aux Ioniens toutes les concessions qui lui sont reprochées. Ainsi le Quarterly Review l’accuse d’avoir accordé aux Ioniens une liberté presque illimitée de la presse. Reconnaissons pourtant que ce n’est pas à l’influence de la révolution parisienne de 1848 qu’il faut attribuer cette concession; nous pouvons croire qu’en la faisant lord Seaton obéis-