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taient des difficultés particulières: longtemps désolés par la guerre civile, ils contenaient un grand nombre de partisans des Bourbons et d’ennemis acharnés du gouvernement impérial. M. Miot ne dissimule pas que sa mission, rapidement accomplie, n’eut qu’assez peu d’efficacité. Ses mémoires s’accordent avec presque tous ceux de cette époque sur l’aversion que le gouvernement impérial inspirait alors aux classes élevées et moyennes de la société, même dans les lieux où il était encore un objet de sympathie pour les classes populaires, et sur le découragement qui s’était emparé de presque tous ses agens. Napoléon lui-même en paraissait souvent atteint. M. Miot, après avoir raconté un entretien qu’il eut avec lui en revenant de La Rochelle, ajoute : « Je sortis de cette audience peu satisfait. Je n’y avais pas retrouvé l’empereur tel que je l’avais vu autrefois. Il était soucieux. Cette confiance qui jadis se manifestait dans ses discours, ce ton d’autorité, cette hauteur de pensée qui dominait dans ses paroles et dans ses mouvemens, avaient disparu; il semblait déjà sentir la main de l’adversité, qui devait bientôt s’appesantir sur lui; déjà il ne comptait plus sur sa destinée. »

La défaite de Waterloo vint peu après justifier ces tristes pressentimens. Le gendre de M. Miot resta sur le champ de bataille, son fils y reçut une blessure mortelle. Il perdit donc à la fois dans ce grand désastre sa position, sa fortune, et ce qui aurait pu consoler et soutenir sa vieillesse. Étranger désormais aux affaires publiques, exclu même de la possibilité d’arriver à la chambre des députés, puisqu’il n’était ni électeur ni éligible, il se consacra tout entier à des travaux littéraires qui lui ouvrirent en 1835 les portes de l’Institut. Le seul incident qui interrompit pour un instant la tranquille monotonie de cette longue retraite, c’est un voyage qu’il fit en 1825 aux États-Unis pour y visiter Joseph Bonaparte. Leurs relations, jadis si intimes, s’étaient un peu altérées vers la fin de l’empire; mais, revenu envers M. Miot à des sentimens plus affectueux, Joseph lui avait témoigné un vif désir de le revoir. M. Miot le trouva riche, considéré dans sa patrie d’adoption, mais troublé encore par des souvenirs mêlés d’espérances et d’illusions qui l’empêchaient d’être vraiment heureux et désirant revoir l’Europe, où il ne pouvait se persuader que toutes chances d’avenir lui fussent fermées. M. Miot essaya de l’amener à se contenter de la grande et belle existence qu’il avait en Amérique; mais la suite a prouvé qu’il n’y avait pas complètement réussi.

En ne m’attachant dans cette étude qu’à l’époque du consulat et des premières années de l’empire, je n’ai pas prétendu tirer des mémoires de M. Miot tout ce qu’ils renferment d’informations importantes et curieuses. Ces souvenirs méritent d’être lus d’un bout à