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ties de la monarchie, a rendu plusieurs décrets pour l’obtenir dans l’institution militaire; il a renoncé par exemple au mode de formation des régimens par province. Le plus récent de ces décrets, promulgué à la fin de 1858, se rapporte à l’établissement d’une conscription qui se rapproche beaucoup de la loi française. Ce décret consacre le tirage au sort et assure les mêmes exemptions légales aux fils aînés de veuves ou de septuagénaires, aux aînés d’orphelins et aux jeunes gens qui se destinent à l’état ecclésiastique ou à l’instruction. Sur divers points toutefois, les dispositions du décret sont moins libérales que celles de la législation française : la durée du service est de huit ans, le tirage peut porter sur toutes les classes, et une seule, la huitième, se trouve libérée définitivement. Les deux premières classes (de vingt à vingt et un ans) peuvent toujours être appelées; les cinq suivantes (de vingt-deux à vingt-six ans) ne sont requises qu’à défaut d’hommes en nombre suffisant dans les deux premières et avec dispense du service pour les gens mariés qui en font partie. Par contre, le mariage est interdit aux jeunes gens des deux premières classes, qui ne peuvent même pas s’absenter avant les tirages annuels. Toute infraction à ces dispositions est punie par un enrôlement forcé. Les appelés doivent supporter tous les frais de formation des listes, de tirage et de révision; les communes acquittent la part afférente aux indigens : mesure d’une fiscalité bien rigoureuse, car elle frappe ceux qui déjà paient le lourd impôt du service militaire. Comme en France d’ailleurs, il est possible d’obtenir l’exonération à prix d’argent; mais tandis que chez nous les fonds provenant de cette source forment une dotation de l’armée, qui permet d’améliorer les retraites et de donner une prime aux rengagemens, en Autriche le produit des exonérations paraît être versé directement au trésor : du moins le décret récent ne donne aucune indication relative à cet emploi.

Cette loi sur la conscription, l’article concernant les appels réitérés surtout, a inspiré une vive répulsion en Italie : c’est la cause principale de l’émigration des conscrits lombards dans le Piémont. A cela près, l’ensemble des modifications introduites dans la législation militaire est généralement conforme à l’esprit moderne répandu en Europe, bien que les traditions du passé y aient laissé encore certaines traces. Ainsi, quoique les régimens soient classés dans une série numérique, ils ont des colonels propriétaires, par les noms desquels l’usage prévaut de les désigner, et ces propriétaires possèdent une autorité fort étendue, qu’ils délèguent le plus souvent aux colonels titulaires ou même à des chefs de détachemens. La position des propriétaires des régimens va toutefois en s’amoindrissant; l’empereur François-Joseph, continuant l’œuvre de ses