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possède une caserne voûtée à l’épreuve de la bombe. Ce camp retranché a trois kilomètres de long sur deux de large; la ville de Vérone lui sert d’appui et de réduit.

Une pareille place de guerre est assurément des plus respectables en raison de son étendue et de la forte garnison qu’elle peut recevoir. Sa destination paraît même de servir de centre d’action à une armée entière plutôt que d’assurer la conservation d’un point déterminé, et il est probable que son sort se décidera par des combats livrés près de ses murs de préférence à un siège, rendu difficile par l’étendue de l’investissement et l’énormité du matériel qu’il faudrait amener. Aussi les Autrichiens, lui attribuant ce rôle, avaient préparé avant la création du camp retranché des portes en assez grand nombre pour pouvoir faire sortir vingt-cinq mille hommes de la ville en moins d’une demi-heure : précaution sans objet maintenant que l’armée peut bivouaquer tout entière dans le camp retranché. La rive gauche du fleuve, qui ne se trouve pas sur la route naturelle de l’invasion, a reçu de moindres améliorations sans être pour cela négligée. La vieille enceinte suivait les formes du terrain; c’était l’ancienne muraille due à l’empereur Gallien, réparée et pourvue de tours par l’illustre architecte et ingénieur San-Michele : on s’est contenté d’y ajouter des bastions sur quelques points principaux. Le développement de cette partie de la fortification peut être assimilé à six fronts réguliers ordinaires. Le vieux château Saint-Félix, dépourvu de flanquement et formant ce que les ingénieurs appellent une queue d’hironde, la domine tout entière; il occupe la croupe d’un contre-fort des Alpes du Tyrol, qui vient étendre jusqu’aux portes de la ville deux bras longs et étroits entre l’Adige et le val Pentana, lit d’un torrent presque toujours à sec. Comme il est la clé de la position de ce côté, on en a garni les abords par une série de fortins ou même de simples tours, qui occupent toutes les aspérités de cette colline rocheuse et dénudée jusqu’à une assez grande distance.

Les avantages qu’assure l’occupation de cette forte place de Vérone inspirent à l’armée autrichienne une grande confiance. Inférieure en nombre, elle pourrait s’y retirer et y défier les attaques de l’ennemi; la proximité de Peschiera et de Mantoue lui permettrait de recevoir des secours de ces places ou de leur en fournir au besoin. Si au contraire cette armée possédait la supériorité numérique, elle y laisserait en sûreté ses malades et ses dépôts de vivres pour agir à son gré entre les deux rivières, ou encore elle traverserait le Mincio sur les ponts de Peschiera, avec lesquels elle communique, et menacerait par Brescia la ligne de retraite de l’ennemi. Elle pourrait aussi opérer sur la rive gauche de l’Adige, quoique d’une manière moins décisive, à cause de la proximité trop grande des mon-