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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/686

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tance considérable à une attaque. Le rocher d’où lui vient son nom est en effet inabordable; des précipices l’entourent presque de toutes parts, et des canons qui, comme ceux de Gibraltar, ne révèlent leur existence que par leurs effets viennent balayer la route jusqu’à une grande distance de l’endroit où elle atteint les portes du fort. Le général qui aurait repoussé les Autrichiens depuis le Tessin jusque sous les murs de Vérone aurait donc toujours à veiller de ce côté, dans la crainte de voir une armée de secours se montrer tout à coup derrière lui, dans les plaines de Lonato et de Brescia. Et ce danger ne serait pas le plus grand : ce général serait exposé aussi à se voir enlever sans combats toutes ses conquêtes par l’arrivée d’une armée de secours descendant du Tyrol sur Milan par les routes du Tonale et du Stelvio, car ces routes ont été ouvertes tout exprès pour cette puissante diversion, et permettraient à l’Autriche de passer sans transition de la défensive à l’offensive. Toute sorte de difficultés se présenteraient donc, si l’on voulait essayer de forcer la position de Vérone. A la vérité, le maréchal Marmont, qui a parcouru la route du Stelvio à une époque où celle du Tonale n’existait pas encore, a émis l’opinion qu’elle pourrait être plus dangereuse qu’utile à la domination autrichienne, parce que si elle mène du Tyrol à Milan, elle peut aussi conduire de la Lombardie au cœur du Tyrol. Néanmoins l’état-major autrichien a pensé qu’il serait toujours facile de l’intercepter en cas de nécessité; il a compté aussi sur le zèle de la population du Tyrol, chez laquelle les exploits d’André Hofer et les souvenirs de la guerre de 1809 sont passés à l’état de légende. Peut-être enfin a-t-il supposé que ce pays pauvre offrirait trop peu de ressources pour qu’une armée osât s’y avancer, laissant derrière elle la plaine entière de la Lombardie, le prix de la victoire, exposée aux coups des garnisons de Vérone et de Mantoue. Néanmoins, quelques puissans avantages qu’offre la défensive dans les pays de montagne, on ne s’explique pas très bien pourquoi des forts placés sur les versans italiens ne maîtrisent pas ces routes, tandis qu’on en a établi d’autres sur les versans allemands des Alpes du Tyrol. La destruction des routes ne saurait y suppléer avantageusement, parce qu’il faudrait ensuite de grands travaux pour rétablir les communications coupées.

Quoi qu’il en soit, le Tyrol fùt-il envahi, le dévouement de sa population fût-il impuissant à le défendre, des forteresses respectables arrêteraient encore la marche de l’invasion vers le centre de l’empire, et menaceraient sa ligne d’opération. La position de Brixen dans la vallée de l’Eisach, à l’embranchement de la route du Brenner et de celle qui, remontant la rivière, passe dans la vallée de la Drave ou Pusterthal, avait déjà fixé l’attention de l’ar-