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chiduc Charles. Ce prince signalait comme devant être fortifiée la colline où en 1809 les Autrichiens livrèrent un rude combat aux Français, qui, repoussés d’abord, finirent par culbuter leurs adversaires. On a élevé en ce point deux forts qui portent le nom de Franzenfeste : ils couvrent à eux deux une étendue de huit hectares environ. Leurs hautes murailles, dans cette position déjà élevée, s’harmonisent de la manière la plus pittoresque avec le paysage grandiose qui les entoure; des montagnes couvertes de sapins les dominent de chaque côté de plus de 700 mètres, mais la raideur des pentes rend ces montagnes inabordables au canon. Les sommets éternellement blancs des Alpes noriques et les glaciers suspendus à leurs flancs bornent la vue, et la hauteur de ce formidable rempart atteint 3,000 mètres. Que l’art est impuissant pour égaler ces sublimes aspects de la nature! Les travaux des ingénieurs, tout immenses qu’ils sont, paraissent bien petits, quand on les compare aux accidens naturels multipliés dans ces gorges moins célébrées que celles de la Suisse, mais qui méritent peut-être tout autant les visites des touristes. Quelle fortification d’ailleurs pourrait valoir les défenses naturelles de ces passages? Souvent à l’improviste la route s’arrête devant une muraille de rocher, on se détourne, et un couloir étroit, où l’on peut voir encore les traces des barrières qui l’ont fermé jadis, donne à grand’peine un passage aux voitures. Ces lieux s’appellent le Brixener-Klause, le Muhlbacher-Klause[1]. Ils perpétuent par leur nom les souvenirs de la porte et du péage du moyen âge, et peut-être de temps moins anciens. Quoique les exigences du commerce et le besoin de communication fassent successivement élargir ces passages périlleux, jamais un semblable pays ne conviendra aux opérations des grandes armées, c’est celui des guerres de partisans.

Une cluse de cette espèce se rencontre à une heure au nord de Nauders, sur la route occidentale qui mène de Trente à Inspruck. On y a placé le fort de Finstermuntz au lieu même d’où en 1799 le général Lecourbe fut déposté par le général autrichien Bellegarde. Le petit ruisseau du Stillbach, dont la source se confond avec celle de l’Adige, traverse en ce point la chaîne septentrionale des Alpes pour rejoindre l’Inn par une fissure si profonde que le soleil n’y pénètre que quelques instans chaque jour, si étroite que la route y dispute le passage au ruisseau et se trouve parfois suspendue au-dessus de lui, mais cet étroit passage est le moins élevé des Alpes, et il a été recherché depuis des siècles, quoiqu’il oblige à suivre de chaque côté de longs défilés. Le fort actuel s’élève sur l’emplacement d’un

  1. Klause en allemand en italien chiusa, en français cluse ou écluse.