Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il est important de remarquer que dans le moment qui précéda la guerre, tout reposait sur Rome. L’élan donné par le nouveau pape lui avait valu le pouvoir unanimement reconnu de tout diriger en dictateur. Plus d’un indice, il faut en convenir, confirmait cependant les prophéties de malheur des adversaires de César Balbo, et faisait pressentir combien était aventureuse et fragile l’alliance du pontificat romain avec la liberté. Voyant qu’il ne pouvait s’arrêter à mi-chemin. Pie IX avait dit un premier mot de frayeur et de révolte : « Je ne puis pourtant pas me damner pour plaire aux libéraux! » Pressé sans relâche[1], inquiet du mécontentement qui accueillait ses temporisations, il avait promis une constitution; mais déjà l’on avait pu remarquer qu’il était « mobile comme une femme, » selon l’expression de Pietro Ferretti, l’un de ses parens, conseiller ordinaire du cardinal-ministre Ferretti. Cette mobilité n’était qu’un inconvénient secondaire; le mal véritable était dans les idées tout ecclésiastiques du pape, en qui l’on s’obstinait, en dépit de tout, à voir plus qu’un prêtre romain. Pie IX croyait naïvement que les institutions de l’Europe constitutionnelle étaient imitées de celles qui avaient toujours régné dans les états de l’église. « Qu’est-ce qu’une chambre des députés, disait-il, sinon notre collège d’avocats consistoriaux? Et qu’est-ce que le collège des cardinaux, sinon une chambre des pairs? » Contraint à donner une constitution qu’il comprenait mal. Pie IX se réserva du moins un pouvoir absolu sur toute matière ecclésiastique; il interdit aux deux conseils de s’occuper de matières mixtes. C’était réduire à néant les attributions du corps législatif. Les catholiques seuls pouvaient être admis aux emplois; la presse n’était pas assez libre, au dire de M. d’Azeglio lui-même. Le pape néanmoins, consultant la prudence plus que la logique, continuait à dire ce qu’il disait à chacune des haltes qui lui étaient accordées dans sa marche désormais forcée : « Cette fois, on doit être content; je ne puis aller plus loin, je ne puis faire davantage. » En effet, le mot seul de constitution donnait une satisfaction

  1. « Nous n’avions jamais accepté les réformes du régime consultatif que comme un acheminement à de véritables institutions représentatives, » a dit et écrit Balbo.