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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/849

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sur vous, et je saurai revenir le jour où vous aurez besoin de moi. Dieu veuille que ce jour se fasse longtemps attendre! » Quand Photos eut vu sa demeure incendiée s’affaisser sur elle-même, il s’élança sur le sentier qui conduisait au lieu de son exil, suivi de vingt-cinq pallikares résolus à ne pas se séparer de lui, et à défendre sa personne contre les dangers qui l’attendaient peut-être hors du pays des klephtes.


IV.

Aussitôt qu’Ali-Pacha fut informé du départ de Tsavellas, il enjoignit à son mandataire de traîner les négociations en longueur. En même temps il exprima le désir de voir l’ancien polémarque de Souli venir à Janina, afin, disait-il, de régler amicalement et définitivement avec lui les affaires de son pays. Il espérait que Tsavellas, irrité et séduit par l’attrait de la vengeance, prêterait une oreille complaisante à ses promesses, et qu’il se laisserait aisément persuader d’attirer hors de la montagne tous les guerriers de sa tribu. Une pareille défection, privant Souli de ses plus nombreux et de ses plus braves défenseurs, en aurait rendu la conquête prompte et facile. Photos n’était pas disposé à répondre à l’appel indirect du pacha de Janina. Il redoutait pour lui-même la perfidie de son ennemi. Ayant fait dans sa jeunesse la précoce expérience de ce qu’étaient les cachots du lac, il ne songeait pas sans une arrière-pensée d’effroi à la haine que lui portait Ali, et il pressentait que, non content d’avoir obtenu son bannissement, ce dernier lui réservait de nouvelles chaînes et de nouveaux supplices. Cependant les beys du Chamouri et les Souliotes eux-mêmes insistèrent auprès de lui pour qu’il allât trouver le pacha, afin d’établir la paix sur de nouvelles et solides bases. Photos déplorait leur confiance en une pacification qu’il jugeait impossible; mais il ne sut pas résister aux sollicitations de ses concitoyens. Ne se souvenant de leur ingratitude que pour plaindre leur faiblesse et pardonner l’outrage fait à sa personne, il consentit à s’exposer à d’inutiles dangers, et partit pour Janina. Ali, averti de l’approche de Tsavellas, envoya au-devant de lui une troupe de janissaires et les principaux officiers de sa maison. Aux portes de la capitale de l’Épire, le banni de la Selléide fut reçu avec les plus grands honneurs. Tahir-Abbas, premier ministre du vizir, le salua de la part de son maître, et lui offrit une pelisse doublée des plus rares fourrures, une veste aux larges manches chargées de broderies d’or, une paire de pistolets à la crosse ciselée et enrichis de pierres précieuses, et une carabine tout entière revêtue d’une épaisse lame d’argent artistement travaillée. Comblé de ces