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litique plus habile, sinon plus généreuse, leur eût ouvert des voies faciles de naturalisation, et aurait fait du titre d’Algérien naturalisé la condition de tout honneur. L’ambition eût porté l’élite des étrangers à réclamer cette faveur. Le système actuel, empreint d’une jalousie nationale hors de propos en un pays qui ne peut grandir que par l’immigration, doit faire place à des règles libérales analogues à celles des États-Unis, qui, après une courte période de séjour, de deux à cinq ans, accordent aux nouveau-venus le plein exercice des droits civils et politiques.

La politique plus encore que la justice a souvent, depuis dix années, choisi l’Algérie comme une terre de transportation et d’expiation pénale. A ne consulter que l’intérêt de la colonie, elle n’a eu guère à s’en féliciter; les transportés l’ont vue à travers le prisme sombre de leurs colères et de leurs souffrances, et l’ont dépeinte en noir dans leurs livres et leurs lettres. Ainsi s’est formée contre elle, dans les classes ouvrières de Paris surtout et dans une certaine catégorie d’écrivains, une opinion défavorable. De son côté, l’Europe s’habitue à la considérer comme une colonie pénitentiaire, et c’est une mauvaise recommandation aux yeux des émigrans. L’impression serait bien plus funeste encore, si l’Algérie recevait expressément cette destination, comme on y songea un moment il y a deux ans, alors que la fièvre jaune paraissait repousser de la Guyane les forçats : projet frappé par la presse d’une immédiate réprobation, et qui a été justement abandonné. Un sentiment tout opposé accueillerait l’établissement de pénitenciers agricoles pour les jeunes condamnés de toute catégorie; la colonie se recruterait de ces générations plus malheureuses que coupables, retrempées par une éducation correctionnelle, ramenées au bien par le travail et par l’instruction. A de telles œuvres les hommes risquent de manquer plutôt que les crédits et les dispositions favorables, les corporations religieuses, sur lesquelles la pensée se porte aussitôt, n’ayant pas fait dans la direction des orphelinats preuve d’assez détalent pour que l’administration incline à étendre leur mission. Un germe de pénitencier agricole existe du reste à Boufarik comme annexe de l’orphelinat de Ben-Aknoun; mais les résultats n’ont reçu aucune publicité, le mystère paraissant être, en Afrique, de l’essence de ces établissemens.

L’instruction primaire est une des branches les plus florissantes de l’administration; les écoles sont nombreuses, assez bien tenues et très fréquentées. La proportion des élèves à la population est plus élevée qu’en France[1]; les colons, qui sont en tout pays aussi intelligens qu’actifs, et apprécient trop bien pour eux-mêmes les

  1. Le préfet d’Oran a établi, dans son rapport au conseil-général, que la province compte 1 élève sur 6,66 habitans, tandis que l’académie de Douai n’en a que 1 sur 8,57, et l’académie de Rennes 1 sur 14.