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rait pour garantir l’épouse contre la polygamie et le divorce. Aux maris européens, les filles mauresques se recommandent par ces qualités souples et dociles où M. Michelet reconnaît les aptitudes à l’incubation morale ;) elles se convertiraient facilement au christianisme, étant à peine musulmanes de nom, tant la femme compte peu dans le culte et la société fondés par Mahomet : les musulmans trouvent d’ailleurs tout simple que les femmes adoptent librement la religion de leurs maris.

Les préjugés arabes sont loin d’être aussi contraires à ces unions qu’on pourrait le croire. Sans remonter jusqu’à l’empereur du Maroc, qui fit, au XVIIe siècle, demander en mariage Mlle de Blois, fille naturelle de Louis XIV, l’histoire contemporaine nous fournit un curieux précédent, qui se rapporte à l’émir Abd-el-Kader. Le général Desmichels, dans le récit qu’il a laissé de son commandement dans la province d’Oran, raconte que le jeune chef, voulant lui prouver la sincérité de ses dispositions ta la paix et à la civilisation, lui communiqua son dessein d’épouser une Française, et afin qu’elle pût suivre sa religion en liberté, une chapelle aurait été construite à la kasba de Mascara, et desservie par un aumônier. «Cette église, ajoutait-il, servira aux chrétiens que des missions politiques ou des affaires particulières appelleront dans cette résidence. » Que l’habile émir voulût surtout capter la confiance du général, la suite le prouva bien; mais aurait-il pu recourir à un tel moyen, lui dont le pouvoir naissant reposait en entier sur le prestige religieux de son père et sa propre qualité de marabout, si le Koran lui en avait interdit la pensée et l’exécution? On est autorisé à croire à la sincérité d’une telle proposition, en retrouvant le même libéralisme d’esprit, vingt-cinq ans plus tard, dans le livre que l’ancien émir a écrit à Brousse et adressé à la Société orientale de Paris. Une courte citation de ce livre ne sera pas sans intérêt pour la question générale de l’harmonie à établir entre les races et les religions de l’Algérie. « Sur les fondemens et les principes de la religion, dit Abd-el-Kader, il n’y a pas de dissentiment entre les prophètes, depuis Adam jusqu’à Mahomet; tous appellent les créatures à célébrer l’unité de Dieu, à le glorifier, à croire que toute chose dans le monde est son œuvre, qu’il est la cause de tous les êtres, que son existence n’a pas de cause, et qu’il est le maître de retenir en lui l’âme, la raison, la procréation et tous les biens. Il n’y a pas de controverse parmi les prophètes, et toutes les lois divines sont unanimes sur ces cinq principes; celui qui les adopte aboutit nécessairement à glorifier Dieu et à aimer ses créatures... Les lois des prophètes ne diffèrent que par des prescriptions de détail, ce qui vient de la différence des temps et des choses qui sont utiles dans chaque époque... Si les musulmans et les chrê-