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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/934

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tiens me prêtaient l’oreille, je ferais cesser leur divergence, et ils deviendrait frères à l’extérieur et à l’intérieur. »

De tels sentimens dans l’âme d’un représentant si éclairé de l’islamisme ne sont pas de nature, on en conviendra, à faire désespérer des mariages mixtes entre musulmans et chrétiennes. Nous croyons pourtant qu’à cause de la religion, les mariages de chrétiens avec musulmanes seront plus faciles, et ils seraient en réalité les plus favorables à l’unité nationale, les enfans qui en naîtraient appartenant de droit au christianisme et à la France. En vue d’un tel résultat, les écoles destinées à donner aux jeunes Mauresques une éducation qui les rapproche de nos propres familles appellent une persévérante sollicitude. Ainsi se formerait, en prenant telle période de temps qu’imposerait la distance morale qui sépare aujourd’hui les deux populations, une race croisée, acclimatée dès sa naissance, héritière des qualités des deux races alliées, douée de l’esprit vif, entreprenant et progressif de l’une, du caractère grave, religieux et poétique de l’autre, absorbant dans la liberté tolérante de notre âge les antipathies séculaires de la double postérité de Sem et de Japhet, et disposée à tendre une main fraternelle à celle de Cham : consolant retour à l’antique harmonie de la famille humaine que racontent les traditions!

De tels succès seraient le couronnement de la politique française. Combinés avec les réformes dont nous avons établi la nécessité dans l’administration des Européens, ils feraient véritablement de l’Algérie une France plus jeune, plus confiante en l’avenir, plus amoureuse de mouvement, plus féconde et plus originale dans ses créations. L’émigration retrouverait, sous le ciel splendide de l’Afrique, les droits civils et politiques, les libertés et les garanties dont les climats tempérés semblent avoir eu jusqu’à ce jour le privilège. De nouveaux spectacles auraient enrichi l’esprit d’idées et d’impressions nouvelles, sans imposer de sacrifices à la dignité du caractère et aux habitudes d’indépendance personnelle. Dans la famille chrétienne élargie par ses alliances avec la famille arabe, dans la commune agrandie et affranchie, dans la province admise à s’administrer elle-même, dans la représentation nationale ouverte à la colonie, tout noble cœur donnerait essor à ses sentimens, toute noble ambition trouverait une vaste carrière. L’Algérie deviendrait vraiment pour les Français une seconde patrie.


JULES DUVAL.