Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/936

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

oublié, souleva cette œuvre hardie, ce grand et admirable projet de défense! Ne cachait-il point une arrière-pensée de despotisme, une ténébreuse machination contre l’indépendance de la population parisienne? On sait maintenant, hélas! si le gouvernement de 1830. auquel revient l’honneur de cette conception, tenait beaucoup à tirer sur le peuple. Or le redoutable rempart servira bientôt peut-être de mur d’octroi, et protégera tout d’abord les finances de la ville contre la fraude et la contrebande.

Cette nouvelle extension d’une commune déjà si considérable sollicite vivement l’attention publique, et les enquêtes ouvertes par le gouvernement témoignent assez de l’appel qui est fait à toutes les lumières sur le projet qui s’élabore, et dont l’appréciation est réservée au pouvoir législatif. Il y a là plus d’un intérêt à mesurer, plus d’un problème à résoudre. De tout temps, Paris a exercé sur le reste du pays une influence considérable; mais en lui souvent on a confondu la ville et le gouvernement, la gestion municipale et l’action administrative, ce qui est en un mot le fait de la commune et ce qui est le fait de l’état. Pour un grand nombre encore, c’est l’Hôtel-de-Ville qui fait les révolutions, quand il ne songe qu’à faire ses propres affaires. D’un autre côté, dans la mesure proposée, il y a, ce nous semble, autre chose à considérer qu’un simple agrandissement de commune; la puissante centralisation qui s’est manifestée à Paris depuis quelques années surtout mérite non moins d’attention. Est-il nécessaire que la capitale devienne la plus grande ville commerciale et manufacturière de France, ou bien doit-elle s’appliquer à conserver dans le monde la brillante renommée qu’elle s’est acquise par la rare perfection des produits qui exigent le plus d’art et de goût?

Arrêtons-nous d’abord au régime administratif de la ville de Paris, et demandons-nous sous l’influence de quelles institutions le courant de cette grande population a traversé les siècles, emportant avec lui des générations de rois et de princes, de bons et de mauvais ministres, d’agens fermes ou corrompus, tant de honte et de gloire, tant de vertus et de vices; quelle a été la constitution spéciale de la municipalité parisienne au milieu de tant de constitutions politiques qui se sont succédé en France. Il n’est point indifférent en effet de voir quelle a été la part de l’élément municipal dans l’organisation passée de la première de nos communes, et de connaître celle qui pourrait lui être réservée de nos jours.


I.

La question de savoir si la commune de Paris doit être municipalisée, c’est-à-dire organisée suivant les statuts qui régissent les