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sa grâce et son intelligence précoces, le centre, la lumière de notre foyer. »

Quelques mois plus tard, rendu à la vie active, le jeune proconsul anglais s’inquiète de la tempête qui s’annonce au loin et assombrit les perspectives de la politique nationale. Les négociations secrètes de la Russie avec Dost-Mohammed, le khan du Caboul, ne laissent pas de le préoccuper à certain degré. Un aveu lui échappe à cette occasion, trop singulier pour qu’on n’en tienne pas note : « Menacé du dehors, Dost-Mohammed est venu de lui-même solliciter notre alliance et nos secours. On ne sait encore au juste ce qu’il en attend, on ignore aussi les intentions du gouvernement; une seule chose est certaine, c’est que le jour où ont commencé ses négociations avec nous ouvre une ère fatale pour l’Afghanistan. Dans l’Inde, il nous faut absolument, ou l’abstention totale, ou l’absorption totale. L’histoire du passé montre à toutes ses pages que tôt ou tard les liens établis entre nous et les états indigènes sont pour ceux-ci une cause de mort politique. L’ardeur du soleil n’est pas plus fatale à une goutte de rosée que ne l’est notre amitié, notre alliance, à un souverain asiatique. »

La fortune fait volontiers expier ses faveurs. Jusqu’en 1855, la carrière de Hodson avait été marquée par des succès exceptionnels; ses envieux alors eurent leur tour. Le pouvoir sans limites accordé aux agens anglais a pour correctif une responsabilité également illimitée, et ces hommes sous lesquels plient des provinces entières sont eux-mêmes courbés sous le joug d’une autorité souvent capricieuse, souvent tyrannique. Accablé de travaux immenses et chargé, par surcroît, de faire construire une forteresse destinée au corps des guides, Hodson, paraît-il, laissa quelques irrégularités s’introduire dans le compte-rendu des ressources pécuniaires qu’il avait à sa disposition. Ce tort de pure forme, cette erreur de jugement, grossis par des témoignages hostiles, le placèrent en état de suspicion. Une enquête administrative fut ordonnée, et, sans attendre le rapport qui devait en être le résultat, sans même lire ce rapport quand il leur eut été remis, les autorités de Calcutta décidèrent que Hodson cesserait de gouverner l’Euzofsai. En même temps que cette disgrâce éclatante venait le frapper, — disgrâce imméritée, on l’a depuis reconnu, — l’ex-commandant des guides, — redevenu simple lieutenant, — apprenait la mort de son père. Ce malheur, vivement ressenti, lui rendit odieux un moment cet exil volontaire dont il ne devait jamais voir le terme. Une chute violente vint aggraver encore sa situation. Tout semblait s’unir pour le décourager; il ne se décourageait pas néanmoins, et, sous le coup de la disgrâce comme au temps de sa plus grande faveur, dans l’humble rôle de quartier-maître comme dans celui de commandant en chef, déployait