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titres définitifs qui du même coup affranchissent l’homme, le citoyen, le propriétaire. La propriété foncière peut alors, à l’abri de toute crainte, trouver tout le crédit auquel elle a droit. La spéculation, dont on redoute l’avènement, devient un bienfait le jour où elle secoue la torpeur léthargique due à l’excès d’intervention administrative.

Le principe des ventes l’emporte aujourd’hui sur celui des concessions dans l’esprit public, mieux éclairé qu’autrefois, et dans l’administration elle-même, qui en a fait quelques heureuses applications dans les trois provinces. La dissidence ne survit guère que sur les modes d’exécution, les uns se tenant pour satisfaits de la vente aux enchères telle qu’elle a été pratiquée dans les premiers essais, les autres lui préférant la vente à prix fixe et à bureau ouvert, comme aux États-Unis et dans les colonies anglaises. Les deux modes peuvent s’allier dans une combinaison facile qui est la vraie méthode américaine : la mise en adjudication à jour fixe, suivie de la vente permanente et à bureau ouvert sur la mise à prix pour toutes les terres qui n’ont pas trouvé d’enchérisseur.

En un pays nouveau, la valeur primitive du sol est nulle, et le prix ne représente que les frais qui ont été nécessaires pour le rendre accessible, pour l’allotir, effectuer la vente, délivrer le titre : c’est le prix de revient en un mot. Ce principe, expression des faits, condamne une spéculation à la hausse vers laquelle l’administration algérienne montra un penchant fort regrettable à une époque où elle aliénait des immeubles en stipulant le prix payable en rentes. Il importe beaucoup que le colon conserve pour la mise en valeur du sol le plus de capitaux possible. D’étranges illusions ont longtemps couru, et elles ne sont pas encore tout à fait évanouies, sur la convenance de mettre aux mains des pauvres, des prolétaires, les terres algériennes. Bon gré, mal gré, le capital s’impose, comme une absolue nécessité, à ceux qui le dédaignent ou le détestent le plus. Seulement, quand les colons ne l’apportent pas, l’état doit le fournir. Ainsi on a vu l’administration, pendant plus de vingt ans, et surtout en 1848 et 1849, à la concession des terres ajouter des dons plus ou moins gratuits en matériaux de construction, semences, bestiaux, outils aratoires, vivres, même en argent. D’une main, le trésor prélevait une somme d’impôts sur les contribuables français, et de l’autre la répartissait aux colons algériens pour la plus grande gloire de l’initiative gouvernementale, de la colonisation officielle et de la petite culture. Fier d’une apparence de succès qui se mesurait au nombre des familles installées et des villages bâtis, sans tenir compte de ce qu’il en coûtait, ni de la disparition successive de tous ces malheureux, l’état faisait en même temps les conditions les plus dures aux