de quelques distributions de graines suivies de notices sur la culture. Il est vrai que vingt ou trente années auraient été nécessaires pour l’introduction de cette plante dans un système régulier et général d’exploitation. Des progrès aussi lents n’ont pu suffire à des ardeurs impatientes qui rêvaient moins encore d’enrichir l’Algérie que de supplanter en quelques années les États-Unis, afin d’affranchir la France du tribut qu’elle leur payait. De cette inspiration sont venues les primes exorbitantes s’élevant jusqu’à 20,000 fr. pour les plus belles plantations, sans compter une multitude de primes secondaires, et le parti pris par l’état d’acheter les cotons pendant cinq années, pour les vendre lui-même au Havre. Aujourd’hui que la période est expirée, l’état n’en est pas moins fort embarrassé. A retirer soudainement sa main protectrice, il serait peut-être absous par l’économie politique, mais il ferait en même temps un acte bien fâcheux d’administration, car il jetterait dans le désespoir des milliers de familles désolées d’avoir écouté ses propres instigations et compté sur sa durable bienveillance : aussi a-t-il dû se décider à de nouvelles transactions avec les principes.
Le même système d’achats par l’état, devenu si onéreux par le succès même des cultures de coton, avait déjà été appliqué à d’autres produits : la cochenille, l’opium, les cocons de vers à soie; nous ne parlons pas des tabacs, la régie s’étant bornée à étendre ses achats à l’Algérie, et avec bien plus de libéralité qu’en France, car elle y a laissé toute latitude à la production, à la fabrication et au commerce de cette plante. L’expérience a justifié sur ce point les prévisions de la théorie. Quant aux trois produits que nous venons de nommer, ils n’ont fait aucun progrès sérieux; la cochenille et l’opium sont même à peu près abandonnés, et si la soie ne l’est pas, le mérite principal en est à la parfaite convenance du mûrier avec le climat et avec les besoins de l’industrie française. Le gouvernement local a été entraîné dans cette voie d’intervention commerciale par son injuste dédain des céréales et des bestiaux, par le désir impatient d’éblouir la métropole, surtout par cette prétention incarnée en tous les fonctionnaires d’en savoir plus que les particuliers sur les propres intérêts de ceux-ci. Une fois de plus, il a été prouvé qu’en économie rurale rien de hâtif et de forcé ne saurait usurper le rang que le temps seul consacre, que toute culture a son heure, comme tout fruit sa saison. Un mot résume cet enseignement de l’expérience : toute colonisation officielle est une colonisation artificielle.
En devenant seule arbitre de ses travaux et de ses spéculations, l’Algérie parviendra-t-elle à se suffire? Serait-elle surtout, en cas de guerre maritime, en mesure d’alimenter sa population civile et son armée, si les communications venaient à être temporairement interrompues avec la France? L’affirmative n’est pas douteuse, si