stallation intérieure est-elle partout d’une simplicité extrême, et la vie des plus frugales. Cependant les familles se contentent de ce qu’elles ont; si elles forment quelque désir, comme il arrive dans toutes les conditions, du moins est-il vrai qu’elles ne convoitent point une autre destinée. Cette terre, si avare de ses dons et si longtemps enfouie sous les neiges de l’hiver, on l’aime avec la passion commune à tous ceux qui sont en rapports continuels avec le sol, plus vive encore dans les montagnes que dans les plaines. Des habitudes simples, mais régulières, des sentimens naïfs, mais droits, l’attachement voué à une rude existence, l’union maintenue dans la famille, sous l’autorité respectée de son chef, tels sont les principaux traits qui nous frappèrent dans l’humble intérieur où le hasard nous avait fait pénétrer. Plus tard, nous avons pu opposer, sous le rapport moral, les aspects de cette partie si peu habitée du Jura, où le travail n’agit que sur le sol, à ceux de la partie la plus populeuse de ces montagnes, où l’industrie a importé tant d’applications diverses. Là-bas, tout est mouvement, effort, aspiration vers le mieux; ici, tout est encore immobilité, calme, résignation. L’homme n’éprouve pas sur ces deux points, pourtant si voisins, un égal besoin d’échapper à la nature qui l’enserre, et dès lors il n’a pas la même énergie; cette différence se dégageait d’elle-même du tableau déroulé sous nos yeux.
Par une singularité fréquente dans les pays de montagne, nous devions maintenant descendre presque continuellement des pentes abruptes jusqu’au pied même du groupe de Septmoncel. Nous étions à peu près sur le point culminant de la première arête du Jura. Un panorama d’un caractère nouveau se déroulait sous nos yeux. L’horizon, toujours si rétréci depuis Lons-le-Saulnier, s’était tout à coup singulièrement étendu du côté de l’est. Il était fermé, dans un lointain nuageux, par une triple rangée de coteaux superposés en forme d’amphithéâtre, quelquefois recouverts d’une végétation vigoureuse, le plus souvent nus et arides. Au bas de cette ligne éloignée, on apercevait çà et là les eaux torrentielles de la Bienne, profondément enfouies entre deux hautes murailles de rochers si droits et si lisses qu’on les dirait tranchés avec la scie. Ce tableau reste déployé devant les regards, quoiqu’en perdant peu à peu de sa grandeur, jusqu’à ce qu’on ait gagné le bord même de la rivière. Alors un défilé creux et étroit conduit à la ville de Saint-Claude, auprès de laquelle commence ce qu’on appelait naguère encore l’ascension de Septmoncel. Il y a peu d’années, on ne pouvait atteindre ce dernier village que par un sentier difficile et fatigant. Au moment même où nous nous disposions à partir de Paris pour le Jura, nous recevions une lettre qui peut donner une idée de l’ancien état des choses, et qui nous était écrite par un personnage fort âgé, dont la verte et