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car ce n’est rien moins qu’un crime de haute trahison; mais votre innocence pourrait sembler douteuse à d’autres juges moins indulgens que moi, et je ne vois pour vous qu’un moyen de la prouver: c’est de m’aider efficacement dans mes recherches, et surtout de ne rien me cacher. Si je puis arrêter ces traîtres et donner l’assurance au gouverneur que c’est grâce à vous que j’y suis parvenu, vous pouvez compter sur un généreux oubli du passé et même sur quelques récompenses.

En ce moment, M. Lamberti se montrait aux valets de ferme sous les traits d’un ange tutélaire. Il leur avait parlé leur propre langage, leur montrant ce qu’exigeait d’eux leur intérêt personnel, en opposition directe avec celui de leurs maîtres, sans faire la moindre allusion à aucun devoir, à aucun sentiment ni de fidélité, ni d’honnêteté. — Voilà un homme, se disaient tout bas les paysans, qui sait ce qu’il veut, et qui n’oublie pas le pauvre monde! — Alors parmi ces hommes grossiers ce fut une lutte à qui seconderait le mieux les recherches de la police. Tous s’offraient à conduire l’inquisiteur dans les parties les plus reculées de ce labyrinthe qu’on appelait la ferme, et jusqu’au fond des souterrains, si cela pouvait lui être agréable; ils ne stipulaient qu’une chose, c’est que la famille ignorerait toujours la part qu’ils auraient prise à ces investigations. M. Lamberti le leur promit en exigeant à son tour, comme condition de son silence, qu’ils continueraient à le tenir au courant de tout ce qui se passerait à la ferme.

L’habitation fut aussitôt parcourue dans tous les recoins, puis on entra dans les souterrains, et on y découvrit les arrangemens pratiqués par M. Stella, lorsqu’il avait supposé que ses enfans pourraient être forcés d’y chercher un asile; mais à l’inspection de certains détails, tels que l’état de la paille étendue sur le sol, la consistance des pains complètement durs et moisis qu’on découvrit dans un coin, M. Lamberti demeura convaincu que ces souterrains n’avaient pas été habités. On retourna donc dans une chambre signalée comme suspecte par les paysans, et d’où ils avaient vu sortir une fumée accusatrice. On y trouva une casquette ornée, hélas! d’une vieille cocarde tricolore que Rachel avait donnée quelques mois auparavant à Paolino, et que celui-ci avait gardée jusqu’au dernier moment autant par amour que par patriotisme. A l’aspect de la casquette, M. Lamberti prit un air grave et de mauvais augure. Il s’assit dans un fauteuil et fit paraître successivement devant ce tribunal improvisé chacun des membres de la famille Stella. Comment ce malencontreux emblème se trouvait-iî dans la maison? Tous firent des réponses vagues, alléguant leur ignorance, à l’exception de Rachel, qui affirma se souvenir parfaitement du