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avec de grandes nouvelles : Germanos, métropolitain de Patras, par un manifeste daté du 26 mars 4821, avait proclamé les droits de la Grèce à l’indépendance, arboré l’étendard de la révolte et réclamé l’assistance des puissances étrangères.

La Turquie cependant venait d’appeler Kourchid, pacha de Morèe, à remplacer Ismaël, que le divan accusait d’inertie et de lenteur. Quelques jours avant l’explosion de l’insurrection, Kourchid avait quitté Tripolitza, sa capitale, où il laissait son trésor et son harem, confiés à la garde d’une troupe d’Albanais. Il arrivait en toute hâte en Épire, et s’établissait sous les murs de Janina au moment où expirait l’armistice conclu avec les Souliotes. Ali-Pacha, effrayé, se décida enfin à rendre aux chrétiens la citadelle de Kiapha, pour les attacher plus étroitement à sa cause. Les insurgés de l’Épire, persuadés que de graves événemens ne tarderaient point à se passer, se réfugièrent en foule dans la montagne de Souli. À partir de ce jour, l’existence de Botzaris ne fut qu’une suite non interrompue de combats, que résument glorieusement trois épisodes mémorables : le siège d’Arta, la campagne de l’Épire en 1822, enfin la bataille de Karpénitzi.


II

Le siège d’Arta en 1821 fut un des faits d’armes qui contribuèrent le plus à établir la renommée de Botzaris. Arta, capitale de l’Amphilochie, est située à douze lieues de Souli et à quelques heures seulement du golfe d’Ambracie. Avec son doux climat, son sol généreux, ses jardins en fleurs, ses bosquets d’orangers et de citronniers, son golfe sillonné de vaisseaux, ses caravanes opulentes qui partaient chaque jour chargées de provisions pour les provinces du nord, avec son archevêché et ses vingt-six églises grecques, dont les coupoles byzantines figuraient d’une façon étrange et pittoresque au milieu des minarets d’or des mosquées, cette cité était alors, après Janina, la plus importante de l’Épire. Elle est bien déchue aujourd’hui de son ancienne splendeur. Le gouvernement turc, fidèle à ses traditions de négligence, n’a point cherché à la relever de ses ruines : comme dans toutes les villes situées à l’intérieur de l’empire ottoman, sauf les habitations de quelques raïas grecs enrichis par le commerce, et qui dissimulent avec soin leur aisance pour ne pas éveiller la cupidité peu scrupuleuse des lieutenans du grand-seigneur, on n’y remarque plus que les traces de la complète incurie des autorités et de la profonde misère du peuple. Cependant la beauté du ciel, qui n’a pu changer, fait encore d’Arta un délicieux séjour.

Bien qu’elle contint dix mille défenseurs et une forte artillerie, Botzaris songeait depuis longtemps à s’emparer de cette place, qui