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de ce divin esprit, qui, avec ses propres lumières et les saints débris de l’immense et lumineuse antiquité, à travers les ombres de la barbarie dissipée, inaugura le jour d’une nouvelle civilisation.

« Il ne t’appartient pas, humble canzona, de donner des louanges à un si grand esprit, la gloire et l’honneur de l’Italie. Je baise le sol et me prosterne devant sa tombe. »


Les odes de M. Marchetti sont, comme ses canzone, d’une remarquable sobriété de couleurs. A l’imitation des anciens, ce poète n’emploie que les expressions les plus simples pour rendre sa pensée. Des mérites analogues assurèrent le succès de sonnets qui ne sont peut-être pas sans défauts, mais qu’on préfère en Italie à de longs poèmes. S’il parait puéril en France, n’en déplaise à Boileau, de condamner la pensée à s’enfermer en ces limites rigoureuses de quatorze vers, de tels jeux d’esprit plaisent dans un pays où la flexibilité de la langue et la disposition évidente des lecteurs à se montrer plus exigeans pour la forme que pour le fond donnent au poète des facilités exceptionnelles. Tout était pour M. Marchetti matière à sonnet : une procession, le retour de la Belle Poule ramenant les restes de Napoléon, un prédicateur, une noce, un professeur de médecine, une cantatrice, les principaux événemens de la vie de Pie IX. Parmi les poètes de notre temps, il en est peu qui se soient retournés sur ce lit de Procuste avec plus d’aisance que M. Marchetti. Le poète bolonais excelle dans ce genre de petits poèmes qui exigent la perfection de la forme sans réclamer de grands efforts d’imagination.

Mieux doué peut-être à cet égard et pourtant moins célèbre fut l’infortuné Alexandre Poerio, le frère de ce Charles Poerio aux destinées de qui l’Europe entière s’est intéressée. Ils appartenaient tous les deux à cette noble famille que des souffrances sans fin endurées pour l’amour de l’Italie ont rendue si populaire dans le royaume des Deux-Siciles. En 1815, Alexandre Poerio, âgé de treize ans, partait déjà pour l’exil, d’où il ne revint, avec son père et tous les siens, que pour un instant, en 1820, à l’époque de la révolution napolitaine. La proscription du moins ne lui fut pas inutile : il parcourut l’Europe et acquit ainsi ce merveilleux don des langues que personne, pas même le cardinal Mezzofanti, ne posséda à un plus haut degré. Les plus illustres amitiés ne lui manquèrent pas; à Weimar, il connut Goethe, avec qui il resta depuis en correspondance; à Florence, où les exilés trouvaient asile, il faisait partie de cette réunion célèbre de poètes et de savans où venaient assidûment Giordani, Leopardi, Niccolini, Tommaseo, et de temps à autre M. de Lamartine et Manzoni. Rendu enfin à sa patrie par les révolutions de 1848, il en partit bientôt avec le général Pepe pour