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courir à la défense de Venise. Il fut du petit nombre de ceux qui suivirent leur vénérable chef dans les murs de la ville assiégée, au lieu d’obéir aux ordres de la réaction triomphante qui les rappelait à Naples. Blessé à l’attaque de Mestre le 23 octobre 1848, il succomba à Venise le 3 novembre suivant. Savaient-ils, ceux qui pleuraient le patriote, qu’ils perdaient en même temps un poète? Venu après Berchet, après Giusti, après M. Rossetti, pour chanter les malheurs de l’Italie et l’appeler aux armes, privé par l’exil de ces admirateurs naturels que tout poète à son aurore trouve dans sa famille, dans ses amis, dans ses voisins, condamné à une publicité très restreinte par la prohibition rigoureuse dont ses vers furent l’objet dans toute l’étendue de la péninsule, le modeste Poerio ne put conquérir la renommée. Si l’on ajoute que le recueil de ses œuvres poétiques, publié pour la première fois en 1843, ne se compose que d’environ quarante petites pièces, on comprendra qu’à moins d’y voir autant de chefs-d’œuvre, l’Italie ne pouvait assigner à l’auteur une place très élevée parmi les poètes contemporains. Or Poerio se borne quelquefois à versifier l’histoire, comme dans son ode intitulée il Ferruccio, où il entreprend bien inutilement de refaire le récit de l’historien Varchi sur cette agonie épique de la liberté toscane; trop familier avec la littérature allemande, il devient obscur toutes les fois qu’il s’embarque dans les questions d’esthétique et de psychologie, dont ses compatriotes goûtent médiocrement les abstractions. S’il se distingue, c’est par cette qualité rare que les Italiens nomment affetto et dont le mot sentiment n’est qu’une traduction bien incomplète; il ne manque quelquefois ni de vigueur, ni même de grâce, comme l’attestent ses odes à Michel-Ange, à Canova, à Dante, à Henri Dandolo, et surtout son petit poème intitulé il Risorgimento, dont un de ses compatriotes disait avec quelque exagération qu’il n’est rien sorti de plus viril d’une plume italienne depuis Alfieri et Foscolo.

M. Térence Mamiani est peut-être redevable au rôle qu’il a joué dans les affaires de son pays d’une partie de sa renommée littéraire. Né dans les états du pape, il a de bonne heure consacré sa vie au culte des institutions libérales, et lorsqu’en 1848 elles obtinrent à Rome un triomphe momentané, il fut appelé l’un des premiers à les appliquer en qualité de ministre des affaires étrangères. Rentré dans la vie privée le jour où le pape, en se retirant à Gaëte, laissait le champ libre à la démocratie, il a retrouvé plus tard l’emploi de son dévouement sur cette généreuse terre du Piémont qui lui ouvrait les portes de son parlement. C’est dans les loisirs de l’exil, à la suite de l’insurrection de 1831, qu’il publia les poésies et les traités philosophiques qui lui ont fait un nom dans les lettres italiennes.