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homme de haute naissance et de grandes vertus, qu’Oreste aimait à consulter sur les affaires de l’état, et qu’il traitait comme un père. Au moyen de ce prêtre en relation avec les évêques, le patrice sut se ménager l’affection du clergé italien. En même temps il entra en négociation avec Genséric, pour mettre un terme à la guerre qui frappait de stérilité depuis vingt ans le commerce de l’Occident et promenait l’épouvante sur toutes ses côtes. Enfin, pour n’être point en faute vis-à-vis de la constitution romaine, et sans se faire d’ailleurs illusion sur le succès, Oreste députa à Constantinople deux officiers de son palais, Latinus et Madusius, chargés de notifier à l’empereur d’Orient (c’était alors Basilisque) l’avènement de Romulus Augustus, lui envoyant, suivant la coutume, le portrait du jeune césar entouré de lauriers ; mais lettre et portrait furent repoussés avec mépris : le successeur de Théodose, si indigne qu’il fût lui-même, refusa de reconnaître pour frère et collègue le fils du secrétaire d’Attila.

Quant à ces affaires de la Gaule, si funestes à Népos, Oreste prudemment les laissa se dénouer d’elles-mêmes, déclinant toute responsabilité dans des événemens qu’il n’avait point fait naître. Les Visigoths prirent possession de l’Auvergne sans grande peine, car la soumission d’Ecdicius avait frappé au cœur la résistance nationale, et d’ailleurs les nouveaux troubles de l’Italie diminuaient pour les Gallo-Romains le regret d’être séparés d’un empire qui ne pouvait plus compter sur une année de paix intérieure. Euric donna pour gouverneur aux Arvernes le comte Victorius, dont l’administration, d’abord assez modérée, sut ménager les sentimens religieux de ce pays, attendu que lui-même était catholique ; mais, comme tous ces Gallo-Romains qui vendaient leurs services aux Barbares, Victorius était au fond un homme sans probité et sans mœurs, qui, forcé bientôt de quitter l’Auvergne et s’étant réfugié à Rome, y fut lapidé par la populace pour le scandale de ses débauches. Après l’abandon de cette province par l’empire, il ne resta plus à l’ouest des Alpes d’autre vestige des conquêtes romaines que la Narbonnaise, réduite aux deux tiers environ de son ancien territoire. La paix qu’Oreste négociait avec les Vandales put sembler un petit dédommagement d’une si grande perte. En somme, le gouvernement d’Augustule, adopté par l’Italie, la laissait reposer de deux secousses violentes, et semblait d’ailleurs assez fort pour résister à de nouveaux orages. Ce n’était là qu’une illusion. Un état si longtemps bouleversé dans ses fondemens ne pouvait plus connaître que des trêves plus ou moins longues ; la paix ne lui appartenait plus. « Nous jouissions du repos, dit un auteur contemporain, interprète des sentimens du clergé italien, le biographe