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même, Lyonne, Servien ou Letellier. Averti par les fautes de Condé, en le voyant s’efforcer de ranimer les passions assoupies des protestans du midi et appeler à son secours le fanatisme persécuteur du calvinisme anglais, Mazarin, en même temps qu’il reconnut de quelle nécessité il était de donner toute satisfaction aux protestans paisibles, ne manqua pas de faire sentir au clergé que la cause de l’église était engagée dans celle de la royauté, et peu à peu il réussit à faire au roi dans le midi autant de partisans zélés que la religion catholique y comptait d’amis fervens dans toutes les classes de la société. l’évêque d’Agen, l’évêque de Saintes et bien d’autres firent des mandemens en faveur de l’autorité royale. En Guienne, l’archevêque de Bordeaux, Henri de Béthune, devint ainsi le premier lieutenant de Mazarin, à l’égal du duc de Candale, de Vendôme et d’Estrades. Henri de Béthune était un prélat éclairé et modéré, qui d’abord n’avait pas été opposé aux princes; mais il les abandonna quand il les vit rejeter l’amnistie et s’appuyer sur l’Ormée et sur le parti protestant. Dès lors il s’était décidé à se servir des armes qui étaient entre ses mains. Il lança l’excommunication [1] contre tous ceux qui depuis l’amnistie publiée ne se soumettraient point à l’autorité du roi, et il interdit à tous les ecclésiastiques du diocèse de leur donner l’absolution. Conformément aux ordres du prélat, plusieurs ecclésiastiques prêchèrent contre la guerre civile. Ces prédications portèrent leurs fruits; mais l’Ormée y mit bon ordre en livrant au pillage les maisons des prédicateurs. En des curés les plus respectés de Bordeaux, le curé de Saint-Pierre, fut arraché de son église, le prieur du couvent des dominicains et le gardien de celui des capucins reçurent l’injonction de quitter la ville, et l’archevêque n’aurait pas été à l’abri des insultes s’il ne se fût retiré à temps; mais de loin comme de près il poussa de toutes ses forces à la résistance, et soutint fermement le combat contre le pouvoir inique et brutal sous lequel gémissait Bordeaux.

Richelieu avait employé et protégé un savant et habile franciscain nommé le père Faure. Anne d’Autriche en avait fait un sous-précepteur de Louis XIV; puis on l’avait nommé en 1651 à l’évêché de Glandèves, et on le transféra à celui d’Amiens en 1653 pour le récompenser des services qu’il avait rendus en contribuant puissamment au retour du roi dans Paris en 1652. Il avait été admirablement secondé par un autre père de sa compagnie, homme adroit et courageux, d’un dévouement à toute épreuve : ce père cordelier s’appelait Berthod[2]. Il était resté en 1652 dans la capitale, et

  1. Montglat, collection Petitot, t. I, p. 405, et Devienne, p. 462.
  2. On en a de curieux mémoires, publiés pour la première fois par M. Montmerqué, collection Petitot, t. XLVIII.