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feraient verser des torrens de sang. Nous pouvons d’autant moins comprendre cette tendance qu’indépendamment des garanties qu’offrent à l’Allemagne les déclarations positives du gouvernement français, acceptées par les grandes puissances, et la force même des choses, les états allemands s’écarteraient par là de la base fondamentale qui les relie entre eux. La confédération germanique est une combinaison purement et exclusivement défensive. C’est à ce titre qu’elle est entrée dans le droit public européen sur la base des traités auxquels la Russie a apposé sa signature. Or aucun acte hostile n’a été commis par la France vis-à-vis de la confédération, et aucun traité obligatoire n’existe pour celle-ci qui motiverait une attaque contre cette puissance. Si par conséquent la confédération se portait à des actes hostiles envers la France sur des données conjecturales, et contre lesquelles elle a obtenu plus d’une garantie, elle aurait faussé le but de son institution et méconnu l’esprit des traités qui ont consacré son existence. » Ces graves paroles, qui ont si fort irrité l’Allemagne, seront méditées sans doute par les hommes d’état. Le ministre de Saxe, M. de Beust, dans sa réponse du 15 juin à la circulaire du prince Gortchakof, essaie d’ébranler les principes établis par le diplomate russe. Il rappelle que la confédération germanique en 1854 a posé un cas de guerre analogue à celui qu’elle veut poser aujourd’hui, et, s’autorisant de ce précédent, contre lequel aucune grande puissance n’a protesté, il conclut de là que la confédération n’est pas, comme l’affirme le prince Gortchakof, une combinaison purement et exclusivement défensive. L’argumentation nous paraît faible, car un précédent ne fait pas loi, et parce que les grandes puissances, occupées d’intérêts plus urgens, auraient négligé une fois de rappeler l’Allemagne à l’exécution des traités, seraient-elles déchues de ce droit à tout jamais? Au reste, ce sont là questions à traiter entre diplomates.

Pour nous, ce n’est pas le droit européen que nous invoquons; les traités peuvent être abolis, d’anciennes conventions peuvent faire place à des conventions nouvelles. Nous invoquons ce qui ne change pas; nous faisons appel aux principes, au respect du droit éternel, à l’honneur de la Prusse et de l’Allemagne. Cette guerre européenne dont la Prusse ne craindrait pas d’assumer sur elle la responsabilité, quel est donc l’intérêt si pressant qui pourrait l’y pousser? Nous l’avons vu par les aveux de ses publicistes : la Prusse n’a pas d’autre intérêt que de disputer à l’Autriche la direction morale de la confédération germanique, et, si les circonstances le permettent, d’obtenir une modification des traités de 1815. Y aurait-il une guerre plus absurde et un imbroglio plus monstrueux? La Prusse voudrait réviser à son avantage les traités de 1815, et elle commencerait par les défendre en Italie! La Prusse voudrait combattre l’hégémonie allemande de l’Autriche, et elle prendrait les armes pour rétablir son hégémonie italienne! Que de contradictions! que d’erreurs! quel chaos!

Mais vous-mêmes, diront nos confrères d’outre-Rhin, vous qui parlez de