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persécutions, et la présence du général Filangieri à la tête du ministère promet un gouvernement ouvert aux mesures progressives et aux bonnes inspirations du patriotisme italien. Au nord, nous avons confiance dans l’action intelligente et énergique du roi Victor-Emmanuel et de M. de Cavour. M. de Cavour saura sans doute, quand il sera temps, appliquer le ferme programme qu’il a tracé dans sa récente circulaire, et la popularité que le roi de Sardaigne a si justement acquise par la hardiesse de sa politique et sa bravoure militaire triomphera des obstacles que pourra rencontrer l’absorption en un seul état de populations qui ont été si longtemps divisées par les rivalités locales. Mais c’est au centre de l’Italie, c’est à Rome et dans les légations que sera notre grande difficulté. Nous en avons un avant-goût par les soulèvemens des villes des états pontificaux et par les protestations énergiques du saint-père contre les révolutions accomplies dans les légations. Napoléon disait qu’il fallait toujours traiter le pape comme s’il avait derrière lui trois cent mille hommes. Mal est advenu à l’empereur d’avoir oublié lui-même son propre précepte, et d’avoir abusé de sa force contre l’invincible faiblesse du pape. Il n’y a pas à craindre aujourd’hui sans doute les excès d’une telle lutte ; mais comment fera-t-on accepter au pape les modifications qu’il est impossible de ne point introduire dans le gouvernement des États-Romains ? Comment, d’un autre côté, après avoir si longtemps signalé le gouvernement pontifical comme le plus anormal de l’Italie et comme celui qui réclamait les plus urgentes réformes, oserait-on répondre par un déni absolu de justice aux espérances de ces populations énergiques des légations qui ne veulent plus rentrer sous l’administration cléricale ? Il s’agit, pour triompher de cet obstacle, de toucher la conscience de Pie IX ; et qui peut obtenir cette victoire, si ce n’est la modération ?

Nous croyons qu’il est de l’intérêt de la France d’opposer une longanimité tolérante aux effusions déplacées de l’Allemagne et aux mesures militaires par l’appareil desquelles la Prusse cherche en ce moment à satisfaire les susceptibilités du patriotisme germanique. Les armemens de l’Allemagne ne doivent pas nous surprendre, et encore moins nous irriter. Quand une nation comme la nôtre fait la guerre, elle doit s’attendre à cette épidémie des armemens militaires que son exemple étend partout. Il n’est qu’équitable également, quoique nous ne connaissions point par nous-mêmes le sentiment de solidarité que peut exciter la forme fédérale, de reconnaître qu’il est permis à l’Allemagne de ne point voir sans émotion une guerre qui pèse sur le membre le plus puissant de la confédération. Cette patience indulgente doit coûter peu de chose à la France, si l’on réfléchit que l’Allemagne après tout ne nous menace pas d’un péril bien sérieux. Nous pouvons avoir confiance dans les intentions modérées du gouvernement prussien, et nous devons condescendre à l’appréciation des embarras de sa position. La Prusse, depuis le commencement de la crise, a mis en avant trois principes comme devant servir de règle à sa conduite : premièrement le maintien des traités ; — s’ils ont perdu leur vertu en Italie, c’est par la faute de l’Autriche ; — secondement la conservation de l’équilibre ; — l’équilibre, M. de Cavour l’a clairement démontré dans sa dernière circulaire, ne saurait être troublé par la substitution d’un royaume de la Haute-Italie à la do-