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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/260

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certainement pas sans intérêt ; mais l’ouvrage n’a pas seulement l’hygiène de l’homme pour objet, et l’auteur propose une application nouvelle de l’anatomie qui semble destinée à produire des effets d’une réelle importance. En exposant les principes de la physiologie animale, en insistant particulièrement sur la structure du cheval, il montre comment les divers procédés de nutrition et de direction peuvent, suivant notre volonté, favoriser le développement des os, des muscles et de la graisse ; il fait ainsi de la production animale une véritable science, et son livre doit devenir le guide de l’éleveur. L’art de former et d’élever les animaux, qui touche de si près aux intérêts agricoles, a tout à gagner en effet, comme l’agriculture elle-même, à sortir des voies d’un empirisme vulgaire, et à faire appel aux notions précises de la science ; l’anatomie et la physiologie en sont les plus puissans auxiliaires, et il est précieux d’avoir un livre qui, par l’exactitude des données et la clarté des démonstrations, peut, sans grand effort, se faire comprendre des personnes les plus étrangères aux études médicales.

Ce serait toutefois rabaisser l’importance de l’anatomie et de la physiologie que de la restreindre à des avantages aussi matériels : ces deux sciences touchent à de plus hautes questions, qui sont d’un intérêt universel. Depuis Aristote jusqu’à Descartes et à Bossuet, tous les philosophes ont considéré la physiologie comme une partie nécessaire de la philosophie. Pour faire en nous la part de la matière et la part de l’esprit, il faut connaître notre nature physique presque aussi bien que notre nature morale : Bossuet, dans son traité De la Connaissance de Dieu et de soi-même, n’a pas suivi une autre méthode. Depuis deux siècles pourtant, quels progrès a faits la science du corps humain ! Bossuet ne connaissait ni la combustion de l’air dans les poumons, ni les diverses transformations que le sang subit dans notre corps ; il supposait tous nos membres parcourus par des esprits, dont rien ne révèle la trace. Quant aux différens usages des nerfs, à l’explication du sommeil et des phénomènes du système cérébral, quelle distance des anciennes hypothèses à la précision de la science moderne ! Il peut être utile de trouver dans un livre élémentaire le résumé de la doctrine actuelle, et tous ceux qui l’étudieront adopteront sans peine la conclusion de l’auteur : « J’ai remarqué qu’en exposant à mes auditeurs cette merveilleuse organisation, j’avais fait passer dans leur esprit non-seulement le sentiment d’admiration dont je me sens chaque jour de plus en plus pénétré pour le chef-d’œuvre du Créateur, mais encore cette conviction profonde qu’il y a en nous autre chose que de la matière. »


AM. LEFEVRE-PONTALIS.


V. DE MARS.