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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/274

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le plus aux rivières d’Europe ; aussi les premiers voyageurs français, heureux de retrouver des sites qui leur rappelaient ceux de la patrie, donnèrent-ils à l’Ohio le nom de Belle-Rivière. Les collines de ses rivages sont doucement inclinées et couvertes d’arbres semblables à ceux du nord de l’Europe ; les villes et les villages parsèment les deux bords de charmantes petites maisons blanches ; les champs cultivés, les groupes d’arbres fruitiers se succèdent en paysages uniformes et gracieux. On voit même près de Cincinnati la vigne hardie gravir la pente des collines comme sur les bords de la Loire et du Rhin.

Le cours de l’Ohio se divise en trois parties nettement caractérisées, et sous ce rapport il peut être considéré comme un type idéal de fleuve. Les deux branches qui forment l’Ohio supérieur descendent des pentes occidentales des Alleghanys et recueillent tous les torrens d’eau de glace et de neige qui y prennent leur source. La première de ces branches, l’Alleghany, prend son origine dans l’étang de Chautauque, près du lac Érié, à quelques centaines de mètres au-dessus de son niveau ; elle descend vers le sud par une succession de vallées étroites, et vient enfin s’unir à la seconde branche de l’Ohio supérieur, le Monongahela, à l’endroit où s’élève la puissante ville de Pittsburg. En aval, commence le cours moyen de l’Ohio, où les grands affluens déversent leurs eaux, leurs alluvions fertiles, les produits de leurs bords, et ouvrent des avenues commerciales vers l’intérieur du continent ; c’est là que sont bâties les villes les plus populeuses. Tout le bassin de l’Ohio est habité par 8 millions d’âmes ; un seul des états riverains, celui qui porte le nom du fleuve, contient 2,800,000 habitans, et tout fait croire qu’avant la fin du siècle la population de cet état ne sera pas inférieure en densité à celle de la Belgique. La capitale, Cincinnati, a déjà plus de 200,000 âmes.

Le cours inférieur commence aux chutes de Louisville. Un ancien banc de corail, dont les rameaux sont encore aussi aigus et ramifiés que s’ils venaient d’être formés, y interrompt le cours de l’Ohio par une succession de rapides dangereux. Pendant les hautes crues, ces rapides disparaissent entièrement ; mais quand les eaux sont basses, la navigation devient impossible. Pour tourner les chutes, on a creusé deux magnifiques canaux, l’un à droite dans l’état de l’Indiana, l’autre à gauche dans celui du Kentucky. Une agglomération de villes, due au temps d’arrêt que la navigation y subit forcément, au transbordement des marchandises, au service des canaux, s’est formée dans un petit espace autour des rapides ; mais si les embarcations pouvaient franchir les chutes en toute saison et sans arrêt, Louisville, Shippingport, Portland, New-Albany, perdraient beaucoup de leur importance. Au-dessous de Louisville, l’Ohio change