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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/275

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de caractère et ressemble au Mississipi: sa plaine s’élargit et devient entièrement alluviale; les collines n’accompagnent plus son cours que de loin et se dérobent à la vue derrière un épais rideau de forêts. Il finit par ressembler moins à une rivière distincte qu’à un estuaire du Mississipi, et quand il confond enfin ses eaux bourbeuses avec celles du grand fleuve, il a déjà perdu tout caractère d’individualité.

Les trois cours de l’Ohio, supérieur, moyen et inférieur, se distinguent parfaitement sous le rapport géologique. Le cours supérieur se trouve en entier dans le riche terrain carbonifère de la Pensylvanie et traverse ces houillères célèbres de la Monongahela, dont les couches se développent comme de longs rubans noirs sur la berge même de la rivière, et peuvent être exploitées à quelques mètres de l’embarcation qui doit en transporter les produits. Pittsburg, ville de fumée et de bruit qu’on appelle la Birmingham de l’Amérique, doit à ces houillères sa population de 120,000 habitans. De Pittsburg à Louisville, c’est-à-dire pendant tout son cours moyen, l’Ohio traverse les formations dévonienne et silurienne, terrains dont le caractère est plutôt agricole qu’industriel. Le cours inférieur pénètre dans un bassin houiller d’une richesse extraordinaire, qui ne livre encore à l’industrie que 200,000 tonneaux par an d’un charbon excellent pour la fabrication de l’huile minérale.

L’Ohio est un cours d’eau fort peu régulier dans ses allures. Il est arrivé que dans l’espace d’un mois le débit de l’eau a été huit fois plus considérable que pendant le même mois de l’année précédente. Parfois aussi les inondations sont terribles, et devant Cincinnati on a vu le courant de l’Ohio, large de 300 mètres et profond de 18, descendre avec une rapidité de 10 kilomètres à l’heure. Dans une même année, le niveau des eaux peut varier de 15 mètres, et même en 1832 la différence de niveau entre les hautes et les basses eaux atteignit presque 20 mètres. Dans l’Amérique du Nord, les températures sont extrêmes non-seulement d’un jour à l’autre, mais aussi d’«année en année : elles sautent du chaud au froid, du sec à l’humide, avec beaucoup plus de rapidité et d’intensité que dans l’Europe occidentale. La quantité d’eau qui tombe annuellement dans le bassin de l’Ohio est de 92 centimètres, dont environ 40 centièmes s’écoulent par le lit du fleuve. Les observations comprennent un espace de huit années seulement, et cependant ce court intervalle a suffi pour donner un minimum de débit de 25 centimètres par an, et un maximum presque triple de 64 centimètres et demi. On conçoit combien de pareilles variations doivent être funestes, surtout dans l’état actuel de la science, qui ne nous permet pas de prédire les temps et les saisons. Du jour au lendemain, la navigation peut être interrompue sur l’Ohio et tous ses affluens, c’est-à-dire sur