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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/307

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c’était à elle qu’il appartenait, disait-on, de civiliser l’extrême Orient. M. Pozzo ne refusait pas cet avenir; mais il pensait avec raison que la Russie l’aurait, pour ainsi dire, par-dessus le marché, si elle était forte et puissante en Occident. Cette prise que la Russie s’est acquise en Occident par la possession de la Pologne, l’Autriche l’a par l’Italie sur l’Europe méridionale.

A la fin du XVIIe siècle, et avant les entraînemens de la guerre d’Espagne, l’Angleterre et la Hollande ne se souciaient pas plus que la France de livrer l’Italie à l’Autriche. On sait qu’avant que le testament de Charles II donnât toute la monarchie espagnole au petit-fils de Louis XIV, des traités de partage de cette grande succession, toujours près de s’ouvrir, avaient été faits entre la France, l’Angleterre et la Hollande. Ces traités auraient-ils été exécutés paisiblement? Auraient-ils prévenu la grande guerre de la succession d’Espagne, qui mit la France à deux doigts de sa perte? Je ne sais. Quoi qu’il en soit, dans le premier de ces traités (11 octobre 1698) l’Autriche n’avait rien en Italie ni ailleurs. La monarchie espagnole est assurée au prince électoral de Bavière; mais le royaume des Deux-Siciles, avec les ports de Toscane, le marquisat de Final et la province de Guipuscoa, est attribué au dauphin fils de Louis XIV et de Marie-Thérèse d’Espagne. Le prince de Bavière, dont l’avènement au trône d’Espagne était ainsi préparé par la France, l’Angleterre et la Hollande, c’est-à-dire par les puissances prépondérantes en Europe, et dont la vie semblait le gage de la paix à venir du monde, mourut à Bruxelles le 8 février 1699, âgé de six ans; il fallut tout recommencer. Dans le second traité de partage du 25 mars 1700, l’archiduc Charles d’Autriche, plus tard l’empereur Charles VI est appelé à recueillir l’héritage de la monarchie espagnole, sauf l’Italie méridionale, qui est donnée au dauphin. Quant au duché de Milan, on ne veut ni le donner au dauphin, ni le donner à l’archiduc; il est donné soit au duc de Lorraine, qui doit alors céder la Lorraine à la France, soit au duc de Savoie, qui doit alors céder à la France la Savoie et le comté de Nice. Cet article est remarquable. Il exclut du Milanais la France et l’Autriche, afin d’une part de ne pas établir une quasi-contiguïté entre la France et l’Italie septentrionale à travers le Piémont ou la Suisse, afin d’autre part de ne pas établir une contiguïté complète entre l’Autriche et l’Italie par la possession du Milanais. L’exclusion réciproque en l’Italie de la France et de l’Autriche, voilà la véritable garantie de l’indépendance de l’Italie.

Ce traité de partage du 25 mars 1700 était la plus belle chance de la France, à qui il donnait la Lorraine ou la Savoie; mais qu’il me soit permis de dire que dans l’étude que nous faisons de l’histoire diplomatique de l’Italie, c’est là le petit côté. Les deux principes es-