Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puissance étrangère donne à cette puissance une prépondérance extrême dans l’Europe centrale, on travaillait à exclure les étrangers de l’Italie. Ainsi le traité de quadruple alliance (2 août 1718) assure à l’infant don Carlos, second fils de Philippe II, la succession du grand-duché de Toscane et des duchés de Parme et de Plaisance, qui allait s’ouvrir par l’extinction des descendans mâles des maisons de Médicis et de Farnèse; il oppose en Italie la maison de Bourbon à la maison d’Autriche, mais le traité déclare en même temps que jamais la Toscane ni Parme et Plaisance ne pourront être réunis à l’Espagne dans les mains du même prince. Je trouve le même principe dans les articles de ce traité relatifs au duc de Savoie. Le droit de succession du duc de Savoie à la couronne d’Espagne, en cas d’extinction des descendans de Philippe V, est confirmé à la condition que, la chose arrivant, les états d’Italie du duc de Savoie passeront à un cadet de sa maison, sans pouvoir être réunis à la monarchie d’Espagne.

Voilà les principes favorables à l’indépendance de l’Italie que firent triompher dans le traité de quadruple alliance la France et l’Angleterre unies. Philippe V, malgré les avantages assurés à sa famille en Italie, ne voulut point accepter le traité de quadruple alliance. Inspiré alors par Alberoni, il rêvait le rétablissement de la monarchie espagnole de Charles-Quint. Il fallut lui faire la guerre. Le manifeste de la France, en déclarant la guerre (10 janvier 1719), est très curieux et très habile. « La France ne prend point une politique nouvelle : elle suit la politique du traité d’Utrecht. » Et à ce propos le manifeste proclame hautement le principe de l’alliance entre la France et l’Angleterre. La coalition de l’Europe contre la France menaçait de se renouer; les passions de la guerre de la succession n’étaient point apaisées; les traités d’Utrecht et de Bade n’allaient plus être qu’une trêve au lieu d’être une paix. « Quel moyen plus sûr pour dissiper cet orage que de s’unir avec la puissance qui, de concert avec nous, avait rappelé la paix par les traités d’Utrecht? Le roi ne négligea rien pour réussir dans cette vue. La confiance se rétablit par ses soins entre les deux puissances, et elles pensèrent aussitôt que rien ne contribuerait davantage à confirmer une paix encore mal assurée qu’une alliance défensive entre la France, l’Angleterre et la république des Provinces-Unies, pour maintenir les traités d’Utrecht et de Bade. »

La guerre obtint de Philippe V ce que la négociation n’avait pas pu obtenir. Les armées espagnoles, ressuscitées un instant par Alberoni, avaient conquis la Sicile et la Sardaigne; mais les flottes anglaises avaient bientôt vaincu et détruit la marine renaissante de l’Espagne, la France avait conquis la province de Guipuscoa et attaquait la Catalogne. Philippe V céda, destitua Alberoni, évacua la