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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/329

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création soit plus certaine, plus indestructible encore qu’aucune autorité sociale, puisqu’elle émane de Dieu même, elle est souvent méconnue au moins dans sa portée et ses conséquences, et le respect que lui doit toute saine politique est traité de nouveauté et de chimère. Et cependant il ne serait pas difficile de prouver qu’aucune loi, qu’aucun pouvoir ne saurait être accepté par la justice et la raison, si l’on n’a tenu compte, en établissant l’une ou l’autre, de ce fait primitif et universel de la liberté humaine. En prenant ce fait pour fondamental, M. Simon a donc posé un principe qui, sans être unique, est présent partout, et qui limite comme une règle inviolable toutes les conceptions du publiciste, du législateur et de l’homme d’état. Ce dont la société actuelle a besoin, ce n’est pas d’apprendre qu’elle doit être gouvernée; à aucune époque, elle n’en a douté un moment. Ce qu’elle a besoin de savoir pour se le rappeler sans cesse, c’est comment elle doit être gouvernée. Or tout ce qui gouverne, pouvoir ou loi, prince ou magistrat, a pour limite la liberté humaine. Voilà pourquoi, interrogé sur ce qu’il veut en politique, M. Simon aurait fait à la question de César la réponse de Cimber.

Les principes de M. Jules Simon sont simples, et ils ne peuvent être entièrement nouveaux, car alors ils ne seraient ceux ni de la nature ni de l’humanité, plus anciennes que toute histoire. La seule nouveauté légitime en ces matières, comme dans la morale, comme dans la religion, c’est de ramener à leur essence pure les croyances communes, d’en dégager le principe pour le suivre dans ses applications et ses conséquences. Ainsi l’idée féconde qui domine dans tout l’ouvrage, c’est que l’homme est un être libre, et que sa liberté a pour guide la raison, et que sa raison, comme guide de sa liberté, a pour règle une loi naturelle ou la morale. C’est là une vérité bien connue, un lieu-commun, si l’on veut; mais ce lieu-commun a produit tout ce que l’humanité et l’histoire offrent de plus sublime. S’il y a au monde des Socrate et des Malesherbes, ce lieu-commun en est cause.

Mais l’homme vit en société. Toute société est une communauté, et ce mot seul indique que dans la société une certaine partie de la liberté est aliénée ou mise en commun. Si la communauté s’étendait à tout, elle absorberait la liberté, et toute doctrine qui tend à cette extrémité est un certain degré de communisme. L’individualisme au plus haut degré serait la doctrine qui, détruisant toute communauté, dissoudrait la société. La science politique consiste dans une conciliation entre ces deux solutions extrêmes.

Si la société est dans les vues de la Providence, on peut dire que la liberté de l’homme est l’ouvrage de Dieu. Elle est donc sacrée. Si l’homme n’était libre, raisonnable, moral, il ne serait pas le pre-