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de la religion naturelle, c’est-à-dire de l’immuable raison d’existence de toute religion positive, ce malheur tant redouté par Leibnitz a paru, grâce à la mauvaise politique d’une partie de l’église et à certains écarts de la philosophie allemande, menacer l’Europe moderne. C’est pour défendre et relever la vérité religieuse que M. Simon a écrit sa Religion naturelle. Le succès très remarquable et très soutenu de ces deux ouvrages, le Devoir et la Religion naturelle, est un signe heureux des temps ; il prouve que, si le mal existe, nous en ressentons l’atteinte, nous en connaissons la cause, et nous en voulons guérir.

Après la religion et la morale que la philosophie adresse surtout à l’individu, il doit y avoir, il y a en effet une vérité sociale, une branche de la philosophie que nous appellerons la politique. Dans ses devoirs, soit envers Dieu, soit envers lui-même, l’homme ne reste pas solitaire. Partout il rencontre son semblable, et il traite avec lui. Partout la société se montre en même temps que l’humanité, et puisque toute société a des lois et des pouvoirs, là encore il y a un fait naturel ; la politique n’est pas une chose artificiellement inventée, elle résulte de l’application de la raison au fait de la société. C’est une science qui a comme telle des principes, car si elle en manquait, le tout manquerait de ce qui ne manque pas aux parties. L’homme aurait comme individu sa vérité et sa loi: il n’en aurait plus dès qu’il serait en société. Évidemment, comme de la morale, comme de la religion, il y a une philosophie de la politique. M. Simon en a jugé ainsi, et il a écrit son dernier ouvrage.


I.
Qu’oses-tu demander, Cimber ? — La liberté.

Oui, ce mot est le titre et le sujet de l’ouvrage de M. Simon, non qu’il pense que ce mot résume à lui seul la politique tout entière ; mais c’est le nom d’une chose qui se mêle à tout dans la politique. Une expérience universelle, un consentement général protège l’existence des gouvernemens, des pouvoirs, des lois. Il y a partout des choses qu’on appelle ainsi, et personne absolument n’en rêve la suppression. Ceux qu’on nomme anarchistes le sont souvent si peu qu’ils se montrent insatiables de pouvoir et en cherchent jusque dans le désordre. Ils sont partisans d’un pouvoir à tout prix. Ce qui est plus rare, c’est l’amour de la liberté ; ce qui est moins compris et moins avoué, c’est l’existence et la notion de la liberté. Quoique la liberté donnée à l’homme dès l’instant de la