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même liberté, celle de la raison et de la conscience, que l’auteur a décrite en composant son ouvrage, et dans ses divers emplois, sous ses diverses formes, avec ses diverses garanties, il pense avoir caractérisé, justifié, vengé enfin la noble proscrite dont il a gravé le nom au titre du livre. Le sujet était beau, et l’ouvrage n’est certes pas au-dessous du sujet. Avec la sagesse d’un vrai philosophe et d’un bon citoyen, M. Simon n’a pas cherché, dans une question d’intérêt public en quelque sorte, à surprendre le lecteur par l’ingénieuse nouveauté de quelque système paradoxal ou scolastique, qui ne plairait qu’aux beaux esprits ou aux esprits sectaires. Sa philosophie, comme celle de son école, est, en politique comme dans tout le reste, une philosophie du sens commun. S’il sait citer à propos Platon et Aristote, c’est pour rappeler aux doctes que la raison vulgaire a pour elle l’autorité des maîtres de la science; mais loin de se renfermer dans la sphère inaccessible de l’abstraction, c’est dans l’histoire de France, c’est dans les antécédens de l’ancien régime et de la révolution française, c’est dans les doctrines et les actes de nos assemblées et de nos gouvernemens qu’il prend presque toujours ses raisons et ses exemples, et l’impartiale modération du langage n’ôte rien à la sévérité morale des jugemens. Cet ouvrage, ainsi que les deux précédens du même auteur, s’il obtient, comme nous n’en doutons pas, un succès égal, sera comme eux un grand service rendu à la vérité autant qu’à la société. Il prouvera une fois de plus que la philosophie n’est point uniquement le passe-temps des intelligences rêveuses, et qu’elle sait, quand il le faut, venir en aide à l’humanité et offrir aux âmes troublées et abattues un secours d’autant plus nécessaire qu’il n’est pas toujours imploré.


II.

Il est remarquable que, tandis qu’un philosophe distingué traitait parmi nous de la liberté, un philosophe placé très haut dans l’estime de ses concitoyens abordait en Angleterre le même sujet. On Liberty, tel est le titre de l’ouvrage que publiait M. Stuart Mill. Ainsi, absente ou présente, la liberté est pour la philosophie un objet chéri d’étude et de méditation.

Les ouvrages de M. Mill sont peu connus parmi nous, mais ils l’ont mis au premier rang dans son pays. Son autorité est grande et se fait respecter de ceux qu’elle ne soumet pas. Ses contradicteurs sont souvent au nombre de ses admirateurs, si nous en jugeons par notre propre expérience, car c’est un esprit nerveux et original, doué d’un talent puissant d’exposition et de discussion. Originai-