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Nouveau….. M. Adams nous dérange et nous embarrasse. » John Adams mettait en effet la modération du parti républicain à une rude épreuve. Il profitait des quelques jours qu’il avait encore à rester président pour nommer à tous les emplois vacans les ennemis les plus acharnés de son successeur, lui préparant ainsi assez perfidement la désagréable alternative ou de respecter ces nominations au risque d’être mal servi et de mécontenter les coureurs de place qui s’étaient attachés à sa fortune, ou d’inaugurer son administration par des destitutions en masse de nature à « révolter les nouveaux convertis et à les rejeter sous la discipline de leurs anciens chefs, alors sans soldats. »

Trois jours après avoir pris la responsabilité du gouvernement (7 mars 1801), Jefferson écrivait à Monroë : « Il faut bien, je le sais, prononcer quelques destitutions, mais il faut en prononcer le moins possible, peu à peu, et ne les motiver que sur quelque malversation ou quelque incapacité flagrante. Entre les garder et les renvoyer tous, il y a une conduite intermédiaire à suivre, que nous n’avons pas encore arrêtée, et que nous n’arrêterons pas avant que toute l’administration ne soit réunie. Même alors peut-être ne procéderons-nous qu’à tâtons, balançant nos mesures d’après l’impression qu’elles pourront produire. » Le discours d’inauguration que le nouveau président adressa au sénat fut son premier ballon d’essai. Il y prodiguait les plus sages conseils aux républicains et les plus douces caresses aux fédéralistes. « La volonté de la majorité doit toujours prévaloir, cela est incontestable; mais que personne n’oublie ce principe sacré : pour que cette volonté soit légitime, il faut qu’elle soit raisonnable. La minorité a des droits égaux, que des lois égales doivent protéger, et qu’on ne peut violer sans oppression. Unissons-nous donc, concitoyens, d’un seul cœur et d’une seule voix... Toute différence d’opinion n’implique pas une différence de principes. Nous avons appelé de noms divers des frères enfans du même principe. Nous sommes tous républicains; nous sommes tous fédéralistes. » Les républicains furent désappointés, les fédéralistes restèrent méfians. Ils avaient raison de ne pas beaucoup compter sur les bonnes paroles du président : on ne peut jamais faire fond sur les promesses, même les plus sincères, de ceux qui se targuent d’être « des démocrates par tempérament. » Ils ne s’appartiennent pas à eux-mêmes; ils ont pour principe et pour habitude d’obéir à ceux qu’ils commandent. Jefferson n’avait pas assez de fermeté pour être aussi conciliant qu’il se l’était proposé. Toutes les nominations à des emplois amovibles faites dans les derniers jours de la présidence de John Adams furent regardées par la nouvelle administration comme non avenues; beaucoup d’autres fonctionnaires plus régulièrement nom-