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C’est là qu’on les attendait; aussi trouvèrent-ils des gens disposés à leur répondre. Les factionnaires placés à l’extérieur avaient dû se replier vers le poste de la redoute. Quelques-uns d’entre eux, grâce à la vigilance d’un second maître du Bucéphale nommé Castra, qui donna l’alarme en faisant une ronde, se joignirent à lui et soutinrent le feu en s’orientant de leur mieux dans l’obscurité. Un autre petit groupe réussit à déloger les canaques les plus avancés d’un endroit d’où leur feu pénétrait dans la petite redoute. Cependant la situation de celle-ci devenait critique; ses défenseurs ripostaient vivement partout où ils étaient sûrs de n’avoir que l’ennemi en face. A la vivacité et à la durée de l’attaque, on comprit au camp que l’effort réel des canaques se portait sur la redoute : on détacha donc vers le morne une section de renfort; elle y arriva au moment où le sous-lieutenant Fossey, qui, aux premières lueurs du jour, était parvenu à distinguer la position, mettait en peloton serré tout ce qui n’était pas indispensable à la défense du retranchement, et faisait charger à la baïonnette. Les arrivans se joignirent à lui; matelots et soldats abordèrent l’ennemi, le culbutèrent sur les versans d’Anamiaï et de la mer, et toute la crête du morne fut en un instant balayée. Le jour commençait à se faire au moment de la déroute; on avait donc pu juger cette fois du nombre des canaques qui avaient pris part à l’attaque du morne. C’était, on l’a su depuis, le plus grand effort qu’il eussent jamais tenté, et longtemps encore après ils ne pouvaient se rendre compte de leur insuccès. Bien que très braves, ces hommes n’ont aucune idée de la persistante énergie des Européens. Ils attaquent avec impétuosité, ils excellent dans les reconnaissances, les coups de main, les surprises; mais, le premier élan passé, ils fuient au moindre échec, sans honte et sans remords.

Le 21 septembre, des rassemblemens se formèrent de nouveau sur les plus hautes cimes; si des groupes nombreux s’avisaient de descendre dans la vallée, le Bucéphale, prévenu par les signaux de la redoute, faisait jouer ses canons. Si des pirogues se montraient à l’entrée de la baie, la traversant pour se rendre à Appetony, incontinent le grand canot prenait chasse, mais elles distançaient vile nos embarcations. Le 22, à cinq heures du matin, une nouvelle tentative sans énergie, dirigée contre le camp, n’eut d’autre résultat que de blesser légèrement un de nos hommes. L’ennemi continua ensuite jusqu’au soir une innocente fusillade à laquelle on dédaigna de répondre. Le 23, dès l’aube, un navire parut au large, c’était la Boussole: elle mouilla dans la baie vers midi. Une nombreuse corvée fut aussitôt mise à terre et concourut à des travaux de fortification passagère, qui, placés en deux points du morne de la redoute, mettaient