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effet que si les princes seuls avaient voix dans la diète italienne, l’Autriche, dans la situation actuelle des maisons régnantes d’Italie, pourrait, à l’exception du Piémont, compter sur l’unanimité d’une telle assemblée. La confédération ainsi conçue remplacerait avantageusement pour cette puissance ses anciens traités avec les duchés, contre lesquels on s’était élevé avec tant de force. Au lieu d’intervenir sous la sanction de ces incommodes traités, elle dominerait partout au nom des décisions légales de l’autoriié fédérale ; elle serait plus prépondérante en Italie qu’elle ne le fut à aucune époque dans le passé. L’Italie serait tombée dans le plus intolérable des cercles vicieux. Notre paix serait odieuse et ridicule. Il est donc impossible que cela soit. La difficulté de la nouvelle organisation résida en ceci, qu’une fédération d’états souverains, et par conséquent tenue de respecter les droits des souverainetés particulières qui la composent, ne peut avoir pour organe qu’une assemblée où les souverains eux-mêmes soient représentés directement. Pour faire pénétrer dans une telle représentation fédérale le véritable esprit national de l’Italie, il n’y a donc qu’un seul moyen : c’est que les gouvernemens particuliers soient eux-mêmes l’émanation et l’expression des diverses fractions du peuple italien. Or les gouvernemens n’acquièrent ce caractère que par des institutions libérales sincères et sérieuses. La liberté politique n’est point un mot : elle n’existe qu’à deux conditions. Ces conditions positives sont premièrement la liberté assurée par des garanties légales aux manifestations de l’opinion, et secondement la participation du peuple à la direction de la politique générale par l’intermédiaire des assemblées représentatives. Il faut par conséquent, pour que le système fédératif ne soit point un leurre ou un piège à l’indépendance de l’Italie, que les divers états italiens appelés à prendre part à cette union jouissent des deux garanties essentielles et positives de la liberté, à savoir la liberté légale de la presse et des assemblées investies d’une véritable initiative politique.

Les Italiens, qui, il y a quelques mois, raillaient nos conseils, et avec une étourderie que nous ne voulons pas leur reprocher, subordonnaient la question de liberté à la question d’indépendance, doivent s’apercevoir aujourd’hui que la liberté est le cœur même de l’indépendance, et que, dans la pacification qui leur est donnée, ils ne seront indépendans comme peuples qu’à la condition de savoir être libres comme citoyens. « L’Italie, dit l’empereur dans sa proclamation du 12 juillet, désormais maîtresse de ses destinées, n’aura plus qu’à s’en prendre à elle-même, si elle ne progresse pas régulièrement dans l’ordre et la liberté. » Il faut donc en revenir courageusement désormais à la noble et vraiment patriotique parole de Charles-Albert : Italla fara da se. Un grand nombre d’Italiens avaient rêvé sans doute un succès plus complet ; il ne faut point que, par une réaction exagérée, ils se laissent tomber du sommet de leurs illusions dans un découragement pu’ril. C’est maintenant à eux de faire leur œuvre, et le concours de la France, qui ne pouvait pas leur donner tout ce qu’ils espéraient d’elle, leur assure au moins un point de départ avantageux. Le Piémont, qui avait grandi par la liberté, a grandi encore par la guerre, et il reprendra sûrement dans la pratique du statut son fécond travail de propagande libérale en Italie. Il doit tarder au roi Victor-Emmanuel et à son ministère de