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étrangère aux causes de son assassinat. De plus, son guide Mohammed-Amin s’était, depuis longtemps déjà, aliéné par des rapines les populations de la région que l’on traversait. On a encore dit que le gouverneur chinois de la dernière province du Thibet visitée par le voyageur, ayant reconnu en lui un Européen, avait promis une forte récompense à qui le lui livrerait. Enfin on a prétendu que c’est en voulant s’opposer au trafic d’esclaves d’un petit chef du Turkestan que le voyageur aurait péri. Quoi qu’il en soit de ces récits divers, la nouvelle ne paraît aujourd’hui que trop certaine : Adolphe Schlagintweit a été frappé en août 1857. On a bien dit que l’Européen assassiné portait sous l’œil un signe naturel, et MM. Hermann et Robert Schlagintweit ne connaissaient à leur frère aucun signe de ce genre; mais ce peut être la cicatrice d’une blessure récente, et quelque bonne volonté qu’on puisse avoir, il est difficile de conserver la moindre espérance. Il nous reste seulement à souhaiter que les papiers du voyageur assassiné rentrent dans la possession des survivans, et que ceux-ci puissent s’acquitter de la tâche pieuse de joindre à leurs propres relations les résultats des travaux de leur frère. Quand ces relations auront paru, il sera utile et intéressant de les rapprocher des ouvrages de notre voyageur dans l’Inde, Jacquemont, de ceux de Thomson, du missionnaire Graul, et sans doute il en jaillira des lumières importantes et nouvelles sur l’histoire et la condition de cette presqu’île de l’Inde, qui aujourd’hui encore, sur bien des points, est incomplètement connue.

On peut juger maintenant du genre d’intérêt que présente le recueil de MM. Justus Perthes et Petermann. Il faut louer surtout la variété et l’étendue des sujets qu’il embrasse; il sert de la sorte efficacement la géographie. C’est en effet dans l’intérêt qu’elle a su prendre de nos jours que se trouve la véritable supériorité de la géographie moderne. Naguère encore elle consistait en arides nomenclatures pour lesquelles on croyait tout faire en y cousant quelques phrases descriptives. Il n’en est plus de même; nous savons aujourd’hui que si des lacs apparaissent, si des monts nouveaux se dressent, si des fleuves livrent le secret de leur parcours, ce sont des voies pour le commerce et la navigation, des centres coloniaux, les limites de futurs empires. Et sous les noms inconnus et barbares qui frappent nos oreilles aux récits des voyageurs, l’expérience des temps modernes nous a enseignés à lire des espérances d’industrie, de science et de civilisation.


Atlas pour servir à l’histoire militaire de la France pendant les temps modernes, par M. Gustave Hubault, Paris, Eug. Belin, éditeur.


Une seule époque a dû offrir plus d’attrait que la nôtre à la curiosité géographique, c’est le commencement du XVIe siècle, alors que l’Europe entière, penchée vers l’Atlantique, écoutait avec avidité les récits nouveaux de découvertes et de conquêtes. L’esprit des hommes parut à ce moment s’élargir; il semblait que sur la terre plus vaste on respirât mieux; les lourdes entraves du moyen âge furent brisées, et c’est de cette première grande reconnaissance du globe que datent plusieurs des inventions et des progrès