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peuple une constitution, et le lendemain une guerre à outrance était déclarée aux plus modestes espérances libérales. C’était un crime d’avoir servi dans l’administration française ou dans l’armée de Murat. La royauté restaurée à Naples ne se modelait pas sur la France, où le rétablissement de la maison de Bourbon se confondait avec l’avènement du régime constitutionnel ; elle se livrait à l’influence autrichienne, et par un traité secret liait sa politique à celle des maîtres de l’Italie du nord. En un mot, c’était l’esprit de réaction et d’absolutisme transformé en système de gouvernement, procédant par la force ou par la ruse, appuyé et encouragé par une puissante influence extérieure, et rencontrant en face l’esprit de conspiration enflammé de tous les griefs et de tous les mécontentemens accumulés.

Entre ces deux courans extrêmes, un parti modéré a toujours manqué à Naples comme un médiateur tout-puissant et efficace. Ce n’est pas qu’il n’eût un terrain d’action et des élémens naturels : le terrain est dans les lois elles-mêmes ; les élémens sont dans la bourgeoisie, qui a singulièrement grandi par l’abolition des lois féodales, dans une portion de l’aristocratie gagnée dès l’origine aux idées constitutionnelles ; mais ce parti n’a fait que d’éphémères et inutiles apparitions au milieu d’une société incohérente et faible. Des hommes qui auraient pu le former, les uns sont allés périodiquement vers l’absolutisme, les autres se sont rejetés dans les sectes, et toujours a reparu le duel fatal de la réaction et des conspirations. C’est la lutte qui remplit un demi-siècle d’histoire ; elle éclate surtout à trois époques, — en 1799, en 1820 et en 1848, — et toutes les fois l’esprit de conspiration vaincu sort plus exaspéré du combat ; toutes les fois aussi la réaction est plus violente sans cesser d’être précaire. L’histoire contemporaine de Naples est un mélange de compression et d’anarchie, de despotisme et d’insurrection.

Un des plus curieux épisodes de cette lutte est la révolution éphémère de 1820, qui a laissé plus d’une trace dans le mouvement des choses napolitaines. Cette révolution avait pris un mauvais masque. Elle était l’œuvre dangereuse et choquante du carbonarisme et de l’armée, et elle se donnait pour drapeau la constitution espagnole de Cadix, une constitution impossible dont on avait de la peine à trouver un exemplaire à Naples lorsqu’on la proclamait. Au fond, elle était l’expression de griefs réels et de mécontentemens sérieux ; elle peut être considérée aussi comme un premier acte d’intervention de cette Italie nouvelle qui fermente depuis 1815. Ramenée à une forme moins excentrique et moins violente, elle pouvait vivre ; mais elle s’accomplissait dans des conditions générales qui devaient