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la tuer, au milieu de l’Europe de 1820. Elle périt, non par la faute de la France, dont le rôle fut aussi noble qu’il est peu connu, et qui, démêlant dès lors la vérité, eût favorisé l’établissement à Naples d’un régime constitutionnel juste et sensé, non pas même par la faute de la Russie, dont le souverain, l’empereur Alexandre, ouvrait d’abord son esprit à la séduisante pensée de pacifier l’Italie par de sages et prévoyantes concessions, mais parce que l’Autriche se croyait intéressée à interdire tout foyer de libéralisme indépendant au-delà des Alpes. Ce n’était point en effet le carbonarisme seul que l’Autriche poursuivait à Naples, c’était surtout la possibilité d’un système de liberté régulière. « Le système représentatif ne doit être établi dans aucun état de la péninsule, » disait le prince de Metternich, qui exprimait la crainte que le parlement napolitain, ne se ravisât en adoptant une constitution modelée sur la charte française.

Chose extraordinaire, la France avait pris l’initiative de la réunion de Troppau avec la pensée première de faciliter une transaction à Naples par l’arbitrage de l’Europe ; l’Autriche, toujours habile et heureuse dans la diplomatie, même quand la fortune des armes lui est contraire, tournait cette pensée au profit de son intervention, sanctionnée à Laybach, et la révolution napolitaine était condamnée sans être entendue, ainsi que le disait un jour M. de La Ferronnays à l’empereur Alexandre. La réaction napolitaine se confondait avec la réaction européenne sous la protection de l’Autriche, dont les soldats allaient camper durant six années dans le midi de l’Italie, de telle sorte qu’à travers cette série de crises qui naissent de la révolution et en sont le prolongement orageux, le royaume des Deux-Siciles apparaît toujours avec des lois inefficaces, des mœurs assez faibles et assez peu sévères pour tout permettre, une société incohérente et divisée, des partis qui n’ont d’autre arme que la conjuration, et des pouvoirs fatalement entraînés dans toutes les voies de la compression. La combinaison de tous ces faits et de ces élémens a formé le dernier règne, ce règne de trente ans où se retrouvent toutes les traditions, toutes les luttes de l’histoire contemporaine de Naples, et où la personnalité du souverain lui-même a une sorte de relief étrange qui tient à la fois à l’homme et aux événemens.


II

Le règne de Ferdinand II commençait justement à une heure critique, au confluent en quelque sorte de ces deux courans opposés