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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/692

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sur le principe de la conservation des biens. L’état, empruntant à la féodalité les droits de rachat, de relief, de lots et ventes, s’est mis à les exercer à son profit, comme si l’un des premiers besoins de la société française, une des principales conditions de la richesse agricole, n’était pas la liberté absolue des mutations. Non-seulement cet impôt a puissamment contribué à former la lourde dette de la propriété foncière, parce qu’afin de ne point réaliser une perte, on aime mieux emprunter que de vendre, mais encore il est un obstacle perpétuel à la plus belle des spéculations : acheter pour améliorer, améliorer pour revendre. Ce serait une trop grande mesure que de supprimer l’impôt sur les mutations immobilières ; il serait plus facile et non moins utile peut-être de réformer la législation de nos baux à ferme. Tout le monde reconnaît que les baux à long terme sont très profitables à l’agriculture, et que le succès dans les entreprises agricoles dépend du capital d’exploitation. Et l’état vient ravir une partie de ce capital, quelque petite qu’elle soit, au moment où ce capital est le plus nécessaire ! Il augmente le droit d’enregistrement en proportion de la longueur du bail ! Il croit se venger en refusant au bail sous seing privé la protection qu’il accorde au bail enregistré ! L’état devrait enfin comprendre ce qu’une telle législation fait perdre à l’agriculture. Personne ne demande la suppression de l’enregistrement ; mais la France agricole proteste contre des mesures inspirées par l’ignorance des vérités économiques et le souvenir d’un ordre social à jamais détruit !

Quoique l’impôt indirect sur les objets de consommation ait un rapport constant avec la prospérité des classes rurales, on ne peut dire pourtant que les effets de l’impôt soient toujours semblables. Quand une nation comme la France du XIXe siècle peut user et use du droit de travailler, quand, par toutes les voies nouvelles que le génie humain découvre, elle s’élance à la conquête de la richesse, l’impôt indirect fait hausser le prix des denrées ; mais dans un pays où les classes productrices sont affaiblies par une longue misère, exploitées légalement par les classes supérieures, condamnées à la solitude et à l’ignorance, dans la France du XVIIIe siècle, le prix des denrées, quand l’impôt les atteint, baisse forcément jusqu’à la limite indiquée par les ressources véritables des consommateurs. On oublie trop souvent que les ressources de ceux qui achètent se combinent avec les frais de production pour déterminer la valeur de la marchandise. La hausse factice qu’amène l’impôt indirect est nécessaire pour faire rentrer le travail agricole dans ses déboursés ; elle ne doit pas être comparée à ces hausses naturelles que des besoins rivaux provoquent et soutiennent, et qui révèlent les progrès de la richesse publique : elle accuse la nécessité où se trouvent