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caractère, de la nature même des gouvernemens qui seront appelés à en faire partie. Si l’on suppose l’autorité du pape rétablie dans les légations, le duc de Modène et le grand-duc de Toscane rentrés dans leurs états, et les gouvernemens de ces souverains revenant à leurs anciens erremens, que sera la confédération, sinon le sépulcre scellé de l’indépendance et de la liberté italiennes ? En Italie, en France, parmi les esprits qui se permettent encore de penser en matière politique, — en Angleterre, c’est le sentiment unanime. Un Florentin, M, de Gori, vient, dans une brochure, d’exprimer avec autant de mesure que de fermeté l’opinion des libéraux italiens sur le leurre et le péril d’une confédération ainsi composée, La confédération italienne ne serait peut-être acceptée par aucun libéral italien dans de telles données ; mais elle serait bien sûrement combattue avec énergie par le Piémont, seul gouvernement vivant de l’Italie, que l’on chercherait ainsi à lier à des cadavres. C’est la même pensée qu’exprimaient l’autre jour dans le parlement lord Palmerston et lord John Russell, lorsqu’ils évoquaient, pour en faire ressortir la chimère, l’hypothèse du roi de Sardaigne excommunié siégeant autour de la même table en face du pape, du Piémont, qui vit par la liberté de la presse, de la tribune, de la conscience, associé à l’Autriche, liée à l’absolutisme religieux et politique par un concordat digne du moyen âge. Mais, dit-on, tous les souverains italiens, à commencer par le pape, feront des réformes indispensables, des réformes salutaires… Des réformes ! soit ; il faut en tout cas que ces réformes soient accomplies avant la constitution de la confédération, et il faut que ces réformes soient des garanties certaines qui assurent l’influence constante du sentiment et de l’opinion des populations sur l’esprit des gouvernemens. Malheureusement, le jour où la question serait ainsi posée, il y aurait lieu de le craindre, ce seraient les gouvernemens eux-mêmes qui en haine des réformes repousseraient la confédération. Et que l’on n’allègue point l’exemple des confédérations déjà existantes dans le monde, et où le lien fédéral comporte une certaine diversité et jusqu’à un certain point même un principe d’antagonisme entre les états dont elles sont formées ; que l’on ne cite pas l’exemple de l’Allemagne ou de la Suisse : ce sont là des confédérations naturelles, vieilles de plusieurs siècles, et dont les diversités intérieures se sont développées comme le lien fédéral qui les embrasse avec le temps. Votre confédération Italienne au contraire est une conception artificielle, qu’il s’agit d’appliquer à des antagonismes préexistans et envenimés par de violens et longues haines. Une fédération nouvelle ne peut être adoptée que par des populations et des gouvernemens homogènes, unis dans la même pensée et voulant assurer par leur association le triomphe des mêmes idées et des mêmes intérêts. L’Italie ne se confédérera que si elle est tout entière libérale ou tout entière absolutiste. Hors de là, le dernier terme de la confédération serait ou la révolution, ou l’oppression.

Les empereurs qui ont signé les, préliminaires de Villafranca ont bien compris qu’il ne leur appartenait pas de décréter une confédération, qui ne peut être formée que par la libre adhésion de souverainetés indépendantes ; aussi n’ont-ils pris d’autre engagement que de favoriser une combinaison semblable. Nous aurions voulu que la même réserve eût été observée à l’é-