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des restaurations annoncées dans les duchés de Modène et de Toscane. Nous attendons avec curiosité les conférences de Zurich pour savoir quelle sanction l’on donnera au rétablissement des archiducs qui ont quitté leurs états plutôt que de se rendre aux vœux des populations et de s’unir au mouvement national. Ces princes seront-ils rappelés par leurs propres sujets ? personne assurément n’y compte, pas plus pour le duc de Modène que pour la dynastie toscane, les Modenais et les Toscans ne s’occupent que d’exprimer par des votes populaires leur inébranlable résolution de ne plus se laisser gouverner par des princes autrichiens. Quant au danger que le duc de Modène puisse rentrer dans son duché avec les troupes qui lui sont restées fidèles, personne en Italie ne s’en effraie. L’on vient en Piémont d’adresser aux chefs de tous les corps ou régimens nouvellement formés (celui du général Garibaldi est du nombre) une circulaire qui les autorise à donner des congés aux soldats volontaires. L’on calcule que douze du quinze mille volontaires des diverses parties de l’Italie seront ainsi libérés, et comme ils peuvent se porter où ils voudront, il n’est pas vraisemblable qu’aucun des princes fugitifs accomplisse sa restauration avec ses seules ressources. Il ne leur resterait donc que le concours étranger, mais lequel ? Ce n’est pas assurément celui de la France : nous ne pouvons oublier que c’est notre entrée même en campagne qui a déterminé les révolutions de Toscane et de Modène, et que ces mouvemens étaient au moins un concours moral à la cause que nous allions défendre en Italie, qu’ils étaient la justification la plus saisissante de notre entreprise. La France ne peut pas mettre et ne mettra pas la main de ses soldats dans de telles restaurations, et nous n’avions pas besoin d’être prévenus par lord John Russell des intentions de l’empereur sur ce point. Est-ce l’Autriche qui ramènera ses archiducs à Modène et à Florence ? Nous doutons que l’Autriche osât en ce moment essayer une telle tentative, et nous sommes persuadés que la France ne la tolérerait point. Ce que nous disons des duchés peut s’appliquer en grande partie aux légations, et l’on voit que, malgré l’article des préliminaires relatif aux restaurations, une grande incertitude continue à régner sur la situation future de l’Italie centrale.

Au règlement libéral des affaires de l’Italie centrale est, suivant nous, subordonné le succès, au point de vue libéral aussi, de la confédération projetée. L’une et l’autre questions échappent à l’autorité des deux puissances qui ont signé la paix de Villafranca, car cette autorité ne va pas jusqu’à lier des populations à des gouvernemens qu’elles repoussent hautement, ni à lier des états souverains dans un pacte qu’il ne leur conviendrait pas d’accepter. Nous ne verrions pour notre compte aucun inconvénient à la durée pendant un certain temps de la situation actuelle dans l’Italie centrale, afin que le divorce qui s’y est prononcé si énergiquement entre les populations et leurs anciens gouvernemens fût établi d’une façon irrécusable dans la conscience de l’Europe. Il y a quelque chose à la fois d’absurde et de monstrueux à vouloir perpétuer des gouvernemens qui tombent devant leurs peuples dès qu’ils se trouvent seuls en face d’eux, et qui ne peuvent se relever et se soutenir que par l’appui étranger. Cette intervention étrangère, appelée sans cesse par les mauvais gouvernemens italiens, a ouvert à toutes les