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très à Bologne, le peuple furieux la brisa. Le duc Alphonse de Ferrare en acheta les morceaux, dont il fit faire une pièce d’artillerie qu’il nomma la Julienne. La perte de la figure de ce terrible Jules II exécutée par Michel-Ange est d’autant plus fâcheuse, que cette statue a laissé moins de traces que d’autres ouvrages également perdus du sculpteur florentin. La tête cependant avait été épargnée : elle pesait six cents livres, et le duc Alphonse la conservait dans son cabinet ; mais on ignore ce qu’elle est devenue, et il est probable qu’elle a péri comme le reste.


III.

C’est en 1508 que Michel-Ange revint à Rome, et qu’il reprit ses travaux du mausolée, interrompus par sa querelle avec Jules et sa fuite de Rome. Il dut bientôt les abandonner de nouveau. Bramante avait persuadé au pape que faire construire son propre tombeau lui porterait malheur. Il lui conseillait d’employer Michel-Ange à peindre la chapelle que son oncle Sixte IV avait fait construire. C’est en effet au début de cette année qu’il commença cette immense décoration, qui devait être son plus splendide ouvrage; mais avant de raconter les résistances qu’il opposa au désir de Jules, avec quelle ardeur il entreprit et quelle rapidité il acheva cet immense travail une fois qu’il se fut résolu à l’accepter, je voudrais, — puisqu’à l’époque où nous sommes parvenus la plupart des statues qui ornent aujourd’hui le tombeau de Saint-Pierre-aux-Liens, celles plus nombreuses qui appartenaient au projet primitif, et qui ont été dispersées, étaient ébauchées ou terminées, — donner une idée générale de ce monument, tel qu’il devait être, dire ce que de réduction en réduction le projet primitif est devenu, et de quels ennuis il fut l’occasion pour le grand sculpteur. Vasari et Condivi ne sont pas tout à fait d’accord dans la description qu’ils donnent du plan de ce tombeau, tel qu’il avait été conçu par Michel-Ange et adopté par Jules II. Je suivrai la version de Condivi, qui se rapporte exactement à un dessin de ce monument de la main même de Michel-Ange, dessin que Mariette possédait, qu’il a décrit, et qui appartient aujourd’hui à la collection de Florence. Le tombeau devait être isolé. Sur chacune de ses faces se trouvaient quatre esclaves debout, enchaînés à des termes qui soutenaient l’entablement; les coins du monument étaient coupés par des niches avec des victoires ayant à leurs pieds des prisonniers renversés. Au-dessus de la corniche qui couronnait cette décoration, huit figures assises, deux sur chaque face, représentaient des prophètes et des vertus. Le Moïse devait être l’une de ces statues. Le sarcophage, placé entre elles, était surmonté d’une pyramide terminée par une figure d’ange tenant un globe. Vasari ajoute qu’il devait y avoir en tout plus de quarante figures, sans compter les enfans et les autres ornemens. D’après lui, l’entablement ne devait supporter que quatre figures : la Vie active, la Vie contemplative, saint Paul et Moïse. Le sarcophage aurait été soutenu par deux statues que ne mentionne pas Condivi, le Ciel paraissant se réjouir de ce que l’âme de Jules était allée habiter la gloire éternelle, et la Terre pleurant la perte de ce pontife. Ce projet grandiose ne subit