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pas de modification jusqu’en 1503,; mais, Jules étant mort, les cardinaux Santiquattro et Aginense et le duc d’Urbin, ses exécuteurs testamentaires, réduisirent à six le nombre des statues qui devaient concourir à la décoration du monument, et à 6,000 la somme de 10,000 ducats qui devait y être employée.

De 1513 à 1521, Léon X, qui se souciait moins d’achever la sépulture de son prédécesseur que de doter d’œuvres du grand artiste Florence, sa ville natale, employa presque exclusivement Michel-Ange aux travaux de la façade et de la sacristie de Saint-Laurent. Michel-Ange se remit aux sculptures du tombeau pendant le court et sévère pontificat d’Adrien VI; mais sous Clément VII il dut les abandonner de nouveau pour exécuter à Florence les projets de Léon, adoptés par le nouveau pape. Vers 1531, le duc d’Urbin avait enfin obtenu qu’on permettrait à Michel-Ange d’interrompre les peintures de la Sixtine pour terminer ce monument depuis si longtemps commencé; il ne paraît pas néanmoins qu’il ait pu alors s’en occuper beaucoup. Enfin, à la mort de Clément, il crut avoir recouvré la liberté et pouvoir, après tant d’involontaires délais, remplir ses engagemens; mais Paul III, à peine installé sur le trône, l’envoya chercher, lui fit l’accueil le plus bienveillant, et lui demanda de lui consacrer ses talens. Michel-Ange répondit que cela lui était impossible, qu’un traité l’obligeait à terminer le mausolée de Jules II. Paul se mit dans une grande colère, et lui dit : « Voilà trente ans que j’ai ce désir; maintenant que je suis pape, il ne me serait pas permis de le satisfaire! Je déchirerai ce traité, et j’entends que tu m’obéisses. » Le duc d’Urbin se plaignait, accusait hautement Michel-Ange de mauvaise foi. Le sculpteur, ne sachant auquel entendre, suppliait le pape de le laisser compléter son œuvre, comme il l’avait promis. Il faisait les projets les plus déraisonnables pour échapper aux contraintes amicales de Paul, celui, entre autres, de se retirer à Carrare, où il avait passé, au milieu des montagnes de marbre, de tranquilles années. Le pontife, pour mettre fin à toutes ces discussions, rendit un bref, daté du 18 septembre 1537, par lequel il déclarait Michel-Ange, ainsi que ses héritiers et successeurs, dégagés de toutes les obligations résultant des diverses conventions faites au sujet de ce tombeau. Cette manière de terminer les choses ne pouvait satisfaire le duc d’Urbin ni délier Michel-Ange. Les pourparlers furent repris, et on finit par convenir que le tombeau serait élevé, sous la forme où nous le voyons aujourd’hui, dans l’église de Saint-Pierre-aux-Liens, et serait composé de la statue de Moïse, entièrement achevée de la main de Michel-Ange, de deux figures représentant l’une la vie active, l’autre la vie contemplative, qui étaient très avancées, et qui devaient être terminées par Rafaello de Montelupo, de deux autres statues de la main de ce maître, d’une Vierge d’après un dessin de Michel-Ange, enfin de la figure couchée de Jules, par Maso del Bosco. Telle est l’histoire très abrégée de ce monument, qui ne fut entièrement terminé qu’en 1550, après avoir causé pendant près d’un demi-siècle de véritables tourmens au Buonarotti.

Le duc d’Urbin se montra peu satisfait. Michel-Ange ne l’était pas davantage. Les figures, destinées primitivement à faire partie d’un ensemble