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dont les principaux articles étaient la réforme du statut du 10 février, l’abolition de la chambre des pairs et la transformation de la chambre des députés en une sorte d’assemblée constituante.

Lorsque le plus simple bon sens conseillait aux libéraux napolitains de se serrer autour de cette légalité constitutionnelle naissante, de chercher leur unique et souveraine garantie dans la stricte application des institutions sanctionnées par le roi, M. Salicetti prenait la dangereuse initiative d’une agression systématique contre le régime nouveau. Ce fut là désormais le mot d’ordre de tous les esprits ardens, de tous les fauteurs de tumultes, de telle sorte que même avant d’avoir été essayée, cette constitution du 10 février disparaissait dans le mouvement des passions contraires. Cette scission du libéralisme napolitain fit la faiblesse du ministère du 3 avril ; elle déteignait pour ainsi dire sur sa politique. En voulant faire une certaine part au programme de M. Salicetti par de vagues promesses, le cabinet Troia froissait les vrais constitutionnels sans désarmer les libéraux exaltés ; il livrait la légalité sans profit pour la paix, et il finissait par être, sinon aussi impopulaire que le ministère Bozzelli, du moins aussi impuissant en face de l’anarchie chaque jour croissante. Le désordre était immense en effet, et prenait quelquefois les formes les plus curieuses, depuis celles des tumultueuses sollicitations d’emplois jusqu’aux manifestations socialistes. Un jour, le ministre des finances, le comte Ferretti, étant sur le point de se rendre au palais pour assister à un conseil, dit à la foule qui attendait son audience qu’il ne pouvait l’entendre. Le garde national qui était en sentinelle se tourna aussitôt vers le comte Ferretti et lui dit d’un ton superbe : a Avant d’être ministre du roi, vous êtes ministre du peuple, et vous ne devez pas aller au palais ; restez ici. » Le comte Ferretti eut beau protester, il dut céder à cette singulière injonction. C’est ainsi qu’on marchait aux élections d’où allait sortir le premier parlement napolitain.

Qui pouvait trouver un avantage au milieu de tant d’anarchie et de toutes ces contradictions de l’opinion suscitées à la fois par les questions intérieures, par les affaires de Sicile comme par la guerre de la Lombardie ? Ce n’était assurément ni la liberté ni l’Italie. Après une expérience orageuse de trois mois, le roi seul avait gagné plus qu’il n’avait perdu, et se trouvait dans une situation en apparence diminuée, en réalité bien plus forte que celle où il était au lendemain du 29 janvier. C’est là ce qu’on aurait pu saisir assez distinctement. Les prétentions extrêmes des Siciliens affaiblissaient les sympathies que leur cause inspirait et promettaient à Ferdinand l’appui des Napolitains. Les divisions mêmes du libéralisme au sujet de l’expédition de Lombardie devenaient pour ce prince le